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Valeria Bruni Tedeschi s’est créé, à la manière de Woody Allen, un double de cinéma où elle exacerbe ses névroses et ses défauts. Elle y met en scène, en apparence, les épisodes de sa vie. Ici, un divorce. Elle démarre d’ailleurs très fort avec une scène de rupture dans un café avant une présentation de projet au CNC devant un producteur médusé, imposant un rythme et un ton très original. Mais ça, on savait que la réalisatrice le maîtrisait sur le bout des doigts depuis Il est plus facile pour un chameau, son premier film, ou Actrices, le plus réussi. La vraie force des Estivants est de dresser un parallèle entre la séparation que l’héroïne est en train de vivre et le quotidien d’une élite coupée des réalités. Empruntant le pitch des Estivants, pièce de Maxime Gorki, Valeria Bruni Tedeschi met en scène l’été d’une famille privilégiée dans une villa au bord de la mer. Comme chez Gorki, les individus sont des oisifs qui passent leurs journées à échanger sur le monde, à chanter ou à se baigner. Elle se plaît à brouiller les pistes, employant sa mère dans le rôle de sa mère ou faisant de son beau-frère, Nicolas Sarkozy, un patron de droite (que Pierre Arditi jubile à interpréter). C’est sa patte, et elle n’y renonce pas. Mais ce qui touche davantage, c’est le portrait des domestiques dont les rêves se heurtent à l’insensibilité de leurs patrons. Pris au piège de la situation, ils témoignent à leur manière de la fracture sociale. Servi par une distribution hors pair, Les Estivants est une comédie politique d’un nouveau genre.