Première
par Thierry Chèze
Les Petits mouchoirs, Rock n’roll, Nous finirons ensemble… L’intime, parfois ouvertement autobiographique, nourrit tout un pan du cinéma de Guillaume Canet auquel ce Lui apporte une nouvelle pierre. Contrairement à Rock n’roll, nulle question ici d’autofiction assumée mais le lien entre les deux existe dans leur côté introspectif et le fait que Canet en tienne le rôle principal. En l’occurrence un compositeur en double crise – inspiration et conjugale – qui part se réfugier dans une vieille maison sur une île bretonne. Et dans ce lieu coupé du monde, femme, maîtresse, parents, son fils et son double maléfique vont venir lui rendre visite dans des sortes de cauchemars nocturnes comme diurnes pour régler leur compte avec lui. Et réciproquement. Il y a du Blier de Trop belle pour toi dans ce surgissement tranquille du surnaturel décalé au cœur du quotidien le plus banal. L’exercice, complexe, fonctionne inégalement. Il va dans le mur dès que les dialogues ne font que bégayer avec ce qu’on a deviné (les scènes face à son père, le face- face des deux « Canet »…) ou que le jeu n’est pas à la hauteur (l’enfant qui joue son fils est trop dans la récitation…). Car l’artificialité envahit alors l’espace et abîme la fluidité du geste global. Par contre dans les moments de silence angoissants au cœur de cette bâtisse ou quand ses comédiens (Virginie Efira, Laetitia Casta, Mathieu Kassovitz, épatants) s’emparent avec gourmandise du jeu décalé qui leur est proposé, Lui décolle. L’aspect ludique vient titiller son côté dépressif sans le faire dévier de sa route. Comme une face B intrigante de Rock’n roll.