Première
par Christophe Narbonne
Avec Mal de Pierres, Nicole Garcia signe un grand mélo au classicisme épuré. Marion Cotillard impressionne.
On le pressentait à l’annonce de la sélection, Mal de Pierres serait le grand film « qualité française » de la Compétition avec ce que cela comporte de qualités et de défauts. Evacuons les défauts, qui sont peu nombreux : une certaine joliesse dans la mise en scène, plus illustrative qu’autre chose ; un léger manque de vertige et de viscéralité. Pour le reste, Nicole Garcia s’acquitte avec les honneurs du cahier des charges qui lui était impartie, à savoir respecter les règles du film de folie (présentation du « mal », mise à l’index, enfermement, possibilité d’une échappée) puisque c’est bien de ça dont il s’agit. Du portrait d’une jeune femme éperdument romantique (exaltée, hystérique, érotomane ou hypersensible, ça marche aussi) qui se perd dans une quête d’amour impossible, celui qu’elle éprouve pour un soldat rencontré dans le spa où elle est soignée pour des calculs rénaux. Sachant que cette Gabrielle a été mariée de force à un taiseux espagnol qu’elle n’aime pas, les enjeux dramatiques sont importants et bouclés avec un souci égal de justesse et de profondeur.
Indispensable Cotillard
Présente du premier au dernier plan, Marion Cotillard est l’attraction principale de Mal de Pierres. La star française, qui affectionne les rôles ambigus et follement nuancés, est servie : tour à tour sauvage, taciturne, résignée, passionnée, en perdition, la Gabrielle qu’elle compose rejoint Edith, Marie, Ewa, Stéphanie ou Sandra au panthéon de ses grandes performances tout en cassures. Elle n’éclipse pas pour autant ses partenaires masculins qui, malgré des rôles plus en retrait, existent pleinement à l’écran. Louis Garrel (le militaire), d’une sobriété inédite, incarne à la perfection une forme de fantasme masculin ultime contre lequel les rêves d’absolu de Gabrielle viennent se cogner. Quant à Alex Brendemühl (le mari), il joue peut-être le rôle le plus ingrat du film et le plus payant à la fois. Son amour muet et entier pour Gabrielle prend une dimension inattendue lors du surprenant -bien qu’un peu surfait- dénouement qui donne à relativiser son personnage, bien plus épais qu’on ne le pensait.