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Les critiques de Première

  1. Première
    par Thierry Chèze

    Porter à l’écran un monologue intérieur où l’auteur raconte son intimité n’est jamais aisé. Comment traduire par des personnages en chair et en os ces mots sans ne perdre la puissance de l’imaginaire que sa lecture a pu susciter ? Danielle Arbid s’y emploie avec superbe dans l’adaptation de ce livre où Annie Ernaux décrivait en détails sa relation passionnelle adultère avec un diplomate russe marié. Une relation circonscrite à leurs rendez- vous en chambre, qui lui manquaient dès le moment où ils s’achevaient sans savoir alors quand aurait lieu le suivant. Dans son livre, Annie Ernaux avait choisi de ne pas détailler ces moments d’étreintes. Danielle Arbid raconte, elle, le manque qui dévore régulièrement cette femme en célébrant le trop- plein, en filmant l’intensité de leurs relations sexuelles avec une crudité jamais provocatrice car tout sauf gratuite. Ca ne surprendra pas ceux qui avaient déjà pu apprécier la sensualité qui affleurait de ses Un homme perdu et Beyrouth Hôtel. Mais il lui fallait deux comédiens capables d’incarner ce ballet des corps avec un naturel jamais pris en défaut. Sergei Polunin – ex- danseur venu au cinéma avec Red Sparrow - et Laetitia Dosch – bouleversante en femme qui se consume de l’intérieur - s’y emploient merveilleusement. Cette histoire de soumission volontaire aux désirs d’un homme insaisissable résonne forcément de manière particulière dans l’ère #MeToo. Mais elle cache surtout le portrait d’une femme qui, par cette relation trouble, se redécouvre en faisant ressurgir une féminité enfouie dans une exultation des corps envoûtante.