Première
par Thierry Chèze
Tout part d’un récit autobiographique. Celui d’Amy Liptrot, une Ecossaise qui, après des années d’excès à Londres où elle est devenue dépendante à l’alcool, a entrepris une cure de désintoxication de 90 jours, rude, chaotique, épuisante sur l’archipel des îles d’Orcade, qu’elle a chroniquée dans un roman, couvert de prix lors de sa publication en 2016. Huit ans plus tard, le voilà porté à l’écran à l’initiative de Saoirse Ronan qui fait à l’occasion ses débuts de co- productrice et a donc choisi celle qui le met en scène, Nora Fingscheidt, révélée en 2022 par Benni, portrait déchirant d’une fillette de 9 ans rejetée par sa mère. Un choix particulièrement inspiré car la réalisatrice s’empare de ce récit en le dynamitant, en faisant exploser son côté programmatique et ce par deux grands mouvements parfaitement complémentaires. Un jeu avec la chronologie des faits, au fil des souvenirs qui remontent à la mémoire de son héroïne et une manière de représenter l’évolution de sa vision déformée du monde en mêlant images d’archives et séquences animées, tout en laissant une large place à la nature sauvage de cette île et aux légendes ancestrales qui l’entourent. Fingscheidt a construit cette fiction comme une sorte de documentaire expérimental passionnant car ne cherchant jamais à rendre son héroïne sympathique. Mais rien de tout cela ne fonctionnerait sans une actrice de génie, capable de jouer toutes les nuances de son personnage, de se montrer aussi impressionnante dans l’excès que dans l’expression de la douleur intime. Et Saoirse Ronan est faite de ce bois- là.