Première
par Christophe Narbonne
Winfried Conradi (joué par un impressionnant acteur autrichien, Peter Simonischeck) est un vieux monsieur facétieux qui fait des blagues tout le temps mais qui a raté l’essentiel : sa fille. Cette femme d’affaires établie à Bucarest est distante et malheureuse, Winfried le sent et va tout faire pour la sortir de son impasse existentielle. Il va « s’inviter » à Bucarest et semer la pagaille dans la vie très organisée d’Ines en s’inventant le personnage de Toni Erdmann, un vieux beau portant perruque et dentier apparent. C’est le début d’une histoire assez incongrue qui voit la fiction envahir le réel (Winfried multiplie les apparitions grotesques lors de rendez-vous importants d’Ines) pour un résultat d’une prodigieuse évidence : Toni Erdmann est au fond le portrait d’un papa qui ré-enchante le quotidien pour sa petite fille dont le contrôle n’est que la manifestation de sa peur d’affronter la vie, les gens et d’admettre que son travail de conseil en restructuration d’entreprises est d’un cynisme effrayant.
Une actrice en état de grâce
De l’émotion, du rire, de l’amour. En 2h42 (oui, c’est long mais on ne s’ennuie pas une seconde), Toni Erdmann se présente comme un condensé de vie, une pilule euphorisante qui donne à reconsidérer l’essentiel. Naïf ? Peut-être. Maren Ade, remarquée pour Everyone else qui brouillait déjà les pistes du conformisme (amoureux), n’est pas dupe. Elle ne cherche pas à convaincre mais à modifier notre regard sur un monde occidental obsédé par la performance et le résultat. Toni Erdmann est en cela proche de Victoria, l’autre film cannois (mais à la Semaine de la critique) qui ausculte les effets pervers du capitalisme économique et social à travers le portrait d’une femme à la dérive. Car le sujet du film est bien ici Ines, cette self-made-woman incapable d’empathie, qui oblige son amant à se masturber devant elle ou qui refuse à son père le droit de l’aimer. Parfaite inconnue chez nous, Sandra Hüller, grande blonde un peu froide, livre une prestation incroyable qui culmine dans deux séquences mémorables où elle doit à la fois faire preuve d’une totale impudeur et d’une forme de maîtrise d’elle-même.
Première
par Christophe Narbonne
Winfried, un père facétieux « s’invite » dans la vie organisée de sa fille, Ines, distante et malheureuse, en s’inventant le personnage de Toni Erdmann, un vieux beau portantperruque et dentier apparent.
C’est le début d’une histoire incongrue qui voit la fiction envahir le réel (Winfried multiplie les apparitions grotesques lors des rendez-vous amicaux et professionnels d’Ines) pour un résultat d’une prodigieuse évidence : Toni Erdmann est au fond le portrait d’un papa qui réenchante le quotidien pour sa petite fille dont la manie du contrôle n’est que la manifestation de sa peur d’affronter la vie et d’admettre que son travail de conseil en restructuration d’entreprises est d’un cynisme effrayant. De l’émotion, du rire, de l’amour : en 2h42 (oui, c’est long mais on ne s’ennuie pas une seconde), le film se présente comme un condensé de vie, une pilule euphorisante qui donne à reconsidérer l’essentiel. Naïf ? Peut-être. Maren Ade, remarquée pour Everyone Else, qui brouillait déjà les pistes du conformisme (amoureux), n’est pas dupe. Elle ne cherche pas à convaincre mais à modifier notre regard sur un monde occidental obsédé par la performance et le résultat. Car le sujet du film est bien ici cette self-made-woman incapable d’empathie, qui oblige son amant à se masturber devant elle ou qui refuse à son père le droit de l’aimer. Parfaite inconnue chez nous, Sandra Hüller a scandaleusement été ignorée par les jurés cannois. Réservez-lui l’accueil qu’elle mérite. CN