Première
par Frédéric Foubert
Médéric, un bobo trentenaire de Clermont-Ferrand, tombe fou amoureux d’une prostituée quinquagénaire, Isadora. Après qu’un attentat a frappé la ville, la vie du jeune homme va être compliquée par ses rencontres avec un sans-abri suspecté de terrorisme, une collègue envahissante, des voisins de palier tiraillés entre l’envie de tendre la main et celle de se barricader… L’Aveyronnais Alain Guiraudie est allé chercher dans le Puy-de-Dôme le décor de cette comédie boulevardière et politique, un tableau de la France contemporaine naviguant entre l’angoisse et la rigolade, la flippe et la fantaisie. L’écriture du film, hautement funambule, enchaîne d’abord les séquences selon une séduisante logique surréaliste. Trop vite, pourtant, cette volonté de délirer le réel est alourdie par la tentation d’un discours « raisonné » sur les maux du pays. Guiraudie est génial quand il pirate les vieux clichés du cinéma – voir l’extraordinaire scène de sexe entre Noémie Lvovksy et Jean-Charles Clichet au début du film, à rebours de toutes les conventions. Il est beaucoup moins inspiré quand il détaille le petit cirque politico-médiatique qui circonscrit nos imaginaires, tombant alors lui-même dans le piège des sociotypes – on finit par ne plus regarder les protagonistes qu’en se demandant qui ils sont censés représenter dans le champ social : le facho menaçant, la Macroniste tout-sourire, la jeune fille « issue de l’immigration »… Prédomine à l’arrivée la sensation que Guiraudie emprisonne ses personnages plus qu’il ne les libère.