Wild

Il y a cette scène géniale dans "La Mort suspendue", de Kevin Macdonald, où le héros alpiniste, bloqué dans une crevasse, sait qu’il va y passer et dit que tout ce qui occupe son esprit à ce moment-là, c’est la chanson de Boney M., "Brown Girl in the Ring". Parce qu’il a fini par s’en sortir, l’anecdote est aussi amusante que vertigineuse car elle révèle la place centrale qu’occupe la musique dans notre esprit quand le sol se dérobe sous nos pieds. À sa manière, "Wild" évoque également cette idée-là, sauf qu’ici Simon and Garfunkel remplacent Boney M. La rencontre entre deux obsessionnels de la pop, Nick Hornby au script et Jean-Marc Vallée à la caméra, ne pouvait déboucher que là-dessus. L’intelligence du film est de formuler cette idée en creux, sachant que la partie émergée, plus attendue, tient à la fois de la balade existentielle vers le grand nulle part et du mélo sacrément chargé. Porté par l’art du chromo du cinéaste et par la mélancolie de son scénariste, on comprend vite que "Wild" doit s’aborder comme un véritable voyage mental dans lequel l’héroïne fouillerait dans sa mémoire afin de mettre au jour des bribes d’humanité. Pour que cela fonctionne, il fallait trouver une harmonie, mettre en place une écriture purement musicale. D’où cette idée du patchwork FM assemblant époques et tonalités comme autant de points d’ancrage sensibles. Lorsque Cheryl, à la fin de l’aventure, décide de devenir quelqu’un d’autre, il ne lui reste plus que la mélodie d’El Condor Pasa pour se souvenir une dernière fois du chemin parcouru.

Witherspoon est géniale et elle a du cran dans la peau d'une femme perdue qui tente de retrouver son chemin seule. Sa narration en voix-off est suggestive et parfois poignante.

Reese Witherspoon livre ici sa meilleure performance depuis qu'elle a gagné l'Oscar de meilleure actrice pour "Walk the Line" il y a près de 10 ans.

Vallée a construit une aventure dans le désert saisissante. C'est également une puissante histoire d'angoisse et survie familiale.

Une solide et touchante saga sur la persévérance et la découverte de soi. Un long métrage qui constitue un bel ajout à la récente moisson exceptionnelle de films sur la survie.

Vallée a pris un livre méditatif où, honnêtement, il ne se passait pas grand chose. Et il l'a transformé en un drame qui prend aux tripes.

La nervosité de Witherspoon la rend facile et amusante à décrypter : son visage exprime chaque obstacle de sa route.

Même s'il y a quelques faux-pas dans cette randonnée de 1 770 kilomètres, le sommet de "Wild" fait que ce voyage en vaut la peine.

Ce qui est intéressant chez cette héroïne - ce qui fait d'elle une personne rare et excitante dans les films américains d'aujourd'hui - n'est pas qu'elle est ordonnée, sensée ou même gentille. C'est sa liberté.

Si son propos n’a rien d’original, "Wild" touche par la finesse de sa narration et de l’interprétation de Reese Witherspoon.

Une histoire pleine de bons sentiments qui évite l'hyper-sentimentalisme.

Cette plongée dans l’intime au milieu de l’immensité, magnifiquement mise en scène par Jean-Marc Vallée, dresse un sublime portrait de femme au naturel, au propre comme au figuré. Un "Into the Wild" au féminin.

La posologie d'humour et de drame nécessaire à un film réussi est parfaitement bien respectée ici. "Wild arrive" à nous faire pleurer autant qu'il nous fait rire

Un bon sens modeste semble guider la mise en scène de Jean-Marc Vallée. Il sait rendre la trajectoire de la courageuse Cheryl juste assez éloquente et éviter de la rendre trop exemplaire. Il en fait un chemin de vie, qu'il n'est pas désagréable d'emprunter.

Une vraie performance pour l'actrice, sans maquillage pendant la majeure partie du film, souvent nue pour des scènes de sexe.

Les problèmes qu'affronte la jeune femme ne font pas dans l'originalité, mais le réalisateur parvient à recréer ses états d'âme les plus excessifs, entre gravité et légèreté.

Le film passe hélas complètement à côté en tombant dans le piège béant du pré-mâchage psychologique : il faut que le spectateur comprenne vite ce qui se trame dans la tête de l’héroïne, tout de suite, instantanément.

C’est sans surprise, pourtant on se laisse embarquer dans ce récit dépourvu d’angélisme, porté par la convaincante Reese Witherspoon.

Si une certaine poésie se dégage des images, il manque un je-ne-sais-quoi d’incarné. Peut-être dû à la volonté de trop vouloir montrer Cheryl Strayed en héroïne, avant même qu’elle ne le devienne vraiment ?

"Wild" pèche par son approche symbolique lourdaude et par son absence de poésie. Un premier rendez-vous raté avec Jean-Marc Vallée qui s’est ici malheureusement perdu dans les sentiers trop foulés de la facilité. Carton jaune.

Il faudra plus qu'un t-shirt Bob Marley pour nous faire croire en l'authenticité de cette randonneuse, malgré sa quête de transcendance.

Reese Witherspoon est convaincante mais ne parvient pas à faire oublier la lourdeur de cette redécouverte de soi.

Tout ça est très américain, mais non dénué de charme, ne serait-ce que parce qu'il est très rare de voir un personnage féminin au centre d'un pareil périple, les mâles ayant trop souvent le monopole de l'aventure et de la route au cinéma.

Léger, intelligent et touchant, le film est parfois un peu trop explicatif pour nous transporter.

Ce qui pénalise le film, c’est bien son tombereau mélodramatique égrené mécaniquement, comme un mantra. plombée par ces retours en arrière accablants, l’aventure physique et spirituelle n’a de sauvage que son titre.

Plus qu’un voyage initiatique, le périple de la jeune femme se rapproche davantage d’un chemin de croix absurde d’où elle ne tirera un enseignement que par dépit. Le manque de poésie, l’absence d’incarnation des paysages, la mise en scène démonstrative peinent à nous conduire à travers une route pourtant déjà tracée.

On a déjà vu ce film, plein de fois, ailleurs, en mieux. Ce serait inoffensif si Jean-Marc Vallée n'avait pas recours au pathos, au calcul misérabiliste, et n'avait pas envie à ce point de décrocher des statuettes dorées.