Toutes les critiques de Yesterday Once More

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Un film de Johnny To, c'est tout un concept : commercial, artistique ou de divertissement. Au gré de ses trois ou quatre productions annuelles, on trouve l'indispensable film du nouvel an, recette garantie d'un nombre d'entrées fructueuses. En 2004, c'était Yesterday Once More, disponible en DVD import sous-titré anglais, en attendant la sortie en salles de Breaking News, sa réappropriation de la série 24.
    Dans un film de Johnny To, on n'est jamais seul : il y a toujours un autre avec qui jouer. Le jeu est partout, de Casino Raiders en passant par A Hero Never Dies, Full Time Killer, Running Out of Time ou The Mission, Breaking News et Throw Down. On badine avec la mort pour le plaisir d'un pari, on se lance des défis, on joue à cache-cache. Quels que soient la partie ou l'enjeu, jouer est le lien, la preuve de sa propre existence et de celle de l'autre. Jouer, c'est l'amitié et l'amour. Tout est territoire, échiquier géant où les êtres s'amusent à construire et reconstruire sans cesse de nouvelles arithmétiques, de nouvelles règles afin que le monde soit un mouvement continu. Jouer contre le temps, pour en gagner, et To de nous faire partager les parties, de nous dire qu'il y a toujours quelqu'un avec qui nous devons créer notre propre montage. Une image plus une autre, c'est déjà du jeu, celui des associations, la condition de l'existence du cinéma et de l'être.Yesterday Once More (« Hier encore une fois ») est une invitation à venir jouer une fois de plus avec Johnny To. Des amants criminels et chapardeurs, le cinéma en a connus de toutes sortes. Des gentlemen cambrioleurs ou des ladies subtilisant de diamants, ça sent le déjà-vu. Et To, dont le cinéma se fait toujours à partir de celui des autres, le sait par coeur. Mais peu importe, il a cet art de transcender tout ce qu'il touche. Pour une scène ou un moment, le post-modernisme devient chez lui un interlude, la meilleure manière de dépasser les formes et la nostalgie pour faire un cinéma ludique et révolutionnaire.Le titre de chacun de ses films est comme un haïku, l'annonce réflexive et poétique de l'oeuvre à venir. Ainsi Yesterday Once More fait croire que le souvenir ne peut pas mourir, qu'hier vaudra demain parce qu'il peut être la dynamique du présent et de l'avenir. Chaque film contient sa propre idée en développement, idée qui néanmoins ne dirige jamais le plan. Avec Yesterday Once More, Johnny To propose le désir, l'amour, la jalousie et le matérialisme féminin comme accessoires de jeu. Andy Lau et Sammi Cheng sont ainsi des partenaires, éternels amants ou figures doubles, dont la distinction de sexes importe peu. Seul compte en effet cet autre avec lequel jouer. Ceci étant posé, la partie peut maintenant commencer.Le couple échafaude des plans et des pièges et compte les points. Dans cette course du chat et de la souris, tout n'est que bluff, mensonges, travestissements. L'autre devient le partenaire et adversaire idéal, amant ou ex-femme, l'éternelle moitié. Le sexe opposé est la nécessité absolue, celui ou celle envers qui il faut sans cesse relancer la partie comme il faudrait relancer l'amour. Yesterday Once More, c'est la magie perdue de ces films ultra chics, ces films de milliardaire entre voyage en Italie, appartements de luxe et bijoux clinquants de mille éclats. On y fume des cigares, joue aux courses, conduit des voitures de sports et se perd dans des caves magnifiques. « Hier encore une fois », comme s'il ne devait jamais y avoir de fin aux jeux de l'amour et du désir, aux amants qu'on a aimés sans retenue, à celles qu'on ne peut pas oublier. Yesterday Once More est un film contre la morosité, qui veut croire malgré la mort : contre le désespoir et le deuil impossible, mieux vaut vivre dans le mensonge, voilà la morale de To. C'est un homme qui croit au cinéma même s'il n'y est question que d'argent, un cinéaste lucide et un producteur avisé qui n'a rien inventé mais qui sait tout s'accaparer. Il nous ramène sans cesse à la futilité précieuse de notre modernité, qu'il nous faut apprécier même au prix de la tricherie. Car, au fond, il n'y a de vérité que pour ceux qui sont en quête de chimères.Yesterday Once More
    Un film de Johnny To (Hong Kong, 2004)
    Import Double DVD Megastar disponible chez Musica
    Toutes zones, NTSC
    Sous-titré anglais[Illustration : Yesterday Once More. Photo © Yu Enterprises]
    - Lire la chronique de Full Time Killer (Johnny To et Wai Ka Fai, 2001)
    - En savoir un peu plus sur cette affaire...