The Apprentice Ali Abbasi Cannes 2024
APPRENTICE PRODUCTIONS ONTARIO INC. / PROFILE PRODUCTIONS 2 APS / TAILORED FILMS LTD. 2023

Sebastian Stan incarne le 45e président américain dans ses jeunes années. Un biopic surprenant, où brille Jeremy Strong en mentor sans foi ni loi.

Donald Trump aurait-il pu devenir Donald Trump sans l'aide de son mentor ? L'Iranien Ali Abbasi (Border et Les Nuits de Mashhad) ausculte le futur président américain dans les années 70, alors qu'il n'était qu'un wanabee entrepreneur immobilier. Un personnage pas encore tout à fait grotesque (ça viendra tranquillement avec le temps) mais déjà armé d'un appétit insatiable pour la gagne, l'argent et le clinquant. L'idée de ce biopic pas si conventionnel dans la forme - l'image traitée façon VHS des années 80, gimmick a priori un peu lourdingue qui apporte finalement pas mal à l'objet - est donc de raconter l'origine du mâle à travers sa faille originelle : un père tyrannique qu'il faut rendre fier. Le mécanisme psychologique est simplissime mais Sebastian Stan le vend assez admirablement, entre l'imitation light de la bouche en cul de poule de Trump et une réelle liberté de mouvement.

Pourtant celui qui crève l'écran est l'intense Jeremy Strong, star de Succession qui incarne Roy Cohn, papa de substitution et ordure quasi reptilienne au regard magnétique. Strong livre un grand numéro de prestidigitateur dans la peau de l'avocat véreux, pilier du maccarthysme, qui a pris Trump sous son aile et donné naissance malgré lui au démon Donald. Un pacte avec le diable qui finit par s'inverser, le maître se faisant dépasser par son élève ivre de pouvoir, et qu'Ali Abbasi a la grande intelligence de traiter comme une histoire de vampirisme (Cohn attrape le Sida et s'affaiblit à vue d'oeil, alors que Trump ne cesse de prendre du poids).

Post-vérité

Le reste est plus conventionnel et moins mordant, dans la veine d'une biographie prestige HBO avec ses passages obligés (la construction de la Trump Tower, la rénovation de Mar-a-Lago) émaillés de quelques curiosités (le rapport de Trump aux femmes et sa violence, étrangement traités à travers une scène de viol conjugal dont on ne reparlera plus). Mais la grande erreur du scénario est d'envisager que l'ère de la post-vérité sur laquelle s'est construit le mandat présidentiel de Trump était déjà en germe chez lui dès le départ : "La vérité est malléable", dit Roy Cohn au début du film, alors que Donald lâche plus tard qu'il faut systématiquement "tout nier, ne jamais rien admettre". Pur cliché de biopic dont The Apprentice n'avait pas besoin pour décortiquer la personnalité trouble de son sujet.

The Apprentice n'a pas encore de date de sortie. Le film est en compétition au Festival de Cannes.

Maria Bakalova, Sebastian Stan et Ali Abbasi à Cannes pour The Apprentice
ABACA