Le Mans 66
Twentieth Century Fox

Le film de James Mangold, avec Christian Bale et Matt Damon, sera diffusé ce soir sur France 2.

Avec Le Mans 66, diffusé pour la première fois en clair sur France 2, James Mangold embarque Matt Damon et Christian Bale dans une course mythique. Le réalisateur nous explique la mécanique de précision nécessaire pour recréer le circuit de l’époque.
PAR FRANÇOIS LÉGER


Le Mans 66 : Christian Bale, phénoménal [Critique]

01 En se plongeant dans les archives

James Mangold passe sans sourciller de Logan au Mans 66, qui retrace l’histoire vraie du préparateur Carroll Shelby (Matt Damon) et du pilote britannique Ken Miles (Christian Bale), envoyés par Ford pour détrôner Ferrari aux 24 Heures du Mans de 1966. La reconstitution de la course de l’époque est d’une précision redoutable et pour en arriver à ce résultat, le cinéaste et ses équipes se sont plongés dans des dizaines d’heures d’archives : « C’était très instructif. On a vite remarqué qu’à l’époque, on ne se préoccupait pas beaucoup de la sécurité de la foule : les gens pique-niquaient juste au bord de la piste et les spectateurs pouvaient carrément traîner à côté des voitures. Un esprit presque familial qui m’a beaucoup surpris. » James Mangold confie également avoir revu Le Mans de Lee H. Katzin, avec Steve McQueen. « On a même eu accès à des images inédites du tournage. Et on est tombés sur une incroyable archive radio de Ken Miles : il y a un moment émouvant dans le film où il décrit à son fils ce que ça fait de réaliser un tour de circuit parfait. Une grande partie de ce qu’il dit vient d’une interview donnée peu avant sa mort. »

02 En ne tournant pas sur le vrai circuit

Le circuit des 24 Heures du Mans tel qu’on le connaît aujourd’hui ne ressemble plus du tout à ce qu’il était en 1966. Pas question, donc, de tourner sur place. « C’est devenu cinq fois plus grand, il y a d’énormes sponsors et des bâtiments qui n’existaient pas. Ça aurait été tout simplement trop dur et trop coûteux de recréer le circuit de l’époque sur place. » Alors, le réalisateur a posé ses caméras aux États-Unis, entre deux états situés à 4 000 km de distance : « On a répliqué en Géorgie les virages mythiques du circuit, mais dans quatre à cinq endroits différents, à des heures les uns des autres! Et pour la ligne d’arrivée, on est allé en Californie, sur un aéroport abandonné qui permettait de rouler vite. » Le tout devait ensuite être unifié au montage. « Donc, pour être raccord sur un tour de piste dans le film, quand on tournait la première scène le matin, il fallait que toutes les suivantes soient tournées à la lumière du matin. S’il pleuvait, toutes les scènes d’après devaient aussi être filmées sous la pluie. Sans compter le niveau de salissure sur les voitures qui devait augmenter... Une tâche assez monumentale. »

03 En ne faisant pas semblant

James Mangold voulait échapper autant que possible aux effets numériques, qui ont été essentiellement utilisés sur les bâtiments autour de la piste et pour simuler la foule. « Parfois, il manquait un peu de saleté sur un véhicule et on la rajoutait par ordinateur. Mais les voitures sont vraies, comme les scènes de courses. Dans pratiquement tous les plans de Christian Bale ou Matt Damon en train de conduire, ils sont dans une voiture et foncent à plus de 160 km/h. Pas de fond vert, ils n’ont pas eu besoin de faire semblant : ils le vivaient. Je voulais qu’on sente ce réalisme. » Le cinéaste s’est aussi attelé à donner vie au circuit en s’assurant que tous les figurants semblent occupés à l’écran. « Les membres de l’équipe de ravitaillement venaient du monde automobile, ils savaient exactement ce qu’ils avaient à faire. Pour les autres, il fallait qu’ils utilisent des outils ou qu’ils soient en train de manger : on leur donnait des baguettes, des sandwichs, du vin... C’est mon boulot d’observer chaque coin du cadre et de contrôler que tout le monde joue le jeu. Sinon, ça casse le réalisme. »

Christian Bale ne veut plus subir de variations de poids extrêmes

04 En oubliant qu’on raconte une histoire vraie

Comment ne pas se faire piéger par le poids de l’histoire et transformer la course en documentaire, en succession de faits historiques? James Mangold a trouvé la parade : « Il faut chasser de son esprit l’idée qu’on travaille sur de vraies personnes. Je voulais leur rendre justice mais en même temps que ça marche en tant que film. Quand j’ai fait Walk the Line avec Joaquin Phoenix, il venait souvent me voir avant la première prise du jour : « Dis-moi le truc, s’il te plaît. » Je lui répondais : « Tu n’es pas Johnny Cash. » Et il me remerciait. C’est un fardeau pour les acteurs de jouer quelqu’un qui a vraiment existé. Ça peut être très lourd et tuer votre créativité. On ne vise pas que la vérité de ces personnes, on vise une vérité plus grande encore. Quelque chose qu’un biographe ne découvrirait jamais parce qu’on comprend des choses en se mettant à leur place, en faisant ce qu’elles ont fait, en allant là où elles sont allées. Le personnage commence alors à prendre possession du corps de l’acteur. C’est presque magique ce qui arrive à ce moment-là. »

05 En luttant contre la technologie

Les nouvelles caméras sont pour la plupart équipées de stabilisateurs, qui permettent d’atténuer largement les mouvements brusques. Soit l’opposé de ce que cherchait le réalisateur : « On a désactivé ces trucs car on voulait capter les mouvements et les vibrations dans le châssis. C’est essentiel pour faire ressentir la vitesse. Ça ne suffit pas de conduire à plus de 160 km/h, même si c’est évidemment très important. Regardez ce qui se passe lors des retransmissions télé de courses automobiles : quand la caméra est loin et fait un travelling, on ne ressent pas du tout ce que ça fait d’être dans une bagnole lancée à fond sur une piste très étroite. Mon but, c’était de mettre le spectateur là où la télévision ne l’emmène pas, au plus près du pilote. Il fallait qu’on comprenne ce qu’il fait, les décisions qu’il doit prendre à chaque instant. Je voulais qu’on puisse ressentir la vibration, qui est le lien avec la voiture. C’est là que le véhicule devient un personnage à part entière. »