Benaissa Slimane est natif de Guelma, dans l’est algérien. Rien ne le prédestinait aux arts, mais c’est pourtant dans ce domaine qu’il va briller. Bilingue, il fait des études de mathématiques en français avant d’étudier la littérature classique en arabe, et débuter une carrière dans le théâtre dès 1967.Il est très rapidement populaire, la preuve en est que ses pièces arrivaient à concurrencer les parties de football du championnat algérien qui se jouaient en même temps.Ses premières pièces décrivent de manière corrosive les lames de fond qui traversent alors la société algérienne avant l’éclatement de la violence terroriste. Vers 1978, il met en scène avec sa propre compagnie de théâtre amateur, le Théâtre régional d’Annaba, Boualem Zid el Gouddem (Boualem va de l’avant) et Babour ghrag (le bateau coule) dont le titre présageait ce qui allait se passer en Algérie. En 1979, il est nommé responsable des théâtres au Ministère de l’Information et de la Culture.Sa démission, la même année, le conduit à fonder la première compagnie de théâtre indépendante en Algérie au sein de laquelle il met en scène plusieurs de ses pièces écrites auparavant, dont la très prophétique Babour ghrag qui sera jouée plus de 500 fois en moins de six ans. Cette dernière pièce a connu un grand succès populaire en Algérie. La preuve ? Lors des émeutes d’Octobre 1988, les jeunes qui manifestaient dans les rues ont utilisé le titre de cette pièce comme slogan babour ghag, le bateau coule… La troupe totalisera plus de 1200 représentations en Algérie et dans à l’étranger.Après plus de vingt années d’activité théâtrale dans son pays, sous la pression des menaces de mort des terroristes, et après l’assassinat de trois de ses plus proches amis, dont l’écrivain Tahar Djaout, Slimane Benaïssa prend le chemin de l’exil vers la France en février 1993. Benaissa Slimane repart alors de zéro, sans pour autant abandonner sa passion : « J’ai commencé à reconstruire d’autres formes théâtrales, adaptées à mon nouvel environnement, qui n’a rien avoir avec l’Algérie natale. » La même année, il est lauréat du Grand Prix Francophone de la société des Auteurs et des Compositeurs Dramatiques (SACD). De 1995 à 1997, il va enseigner à la Faculté des Lettres de l’Université de Limoges.Son premier roman Le fils de l’amertume, édité chez Plon parait en 1999. Adapté au théâtre par la compagnie GRAT de Jean-Louis Hourdin la pièce va connaître un véritable succès, et sera par la suite traduite et présentée dans de nombreux pays. Jacques Chirac, alors président de la République Française, le nomme, en 2000, membre du Haut Conseil de la Francophonie. En 2001 c’est une autre pièce qui est présentée au festival d’Avignon, Prophète sans dieu, qui sera aussi programmée au Théâtre International de Langue Française (TILF) à Paris et donnée plus de 300 fois en France et dans le monde. En 2005, il devient Docteur honoris causa de l’Université de Paris-Sorbonne.Le credo de Slimane Benaïssa est, comme il le dit lui-même, la constante remise en question de nos sociétés : « Une société, par définition, évolue. Même au paradis, je pense qu’on ne sera pas figé pour l’éternité. J’essaie de voir les religions comme une chose vivante. Tout ce qui est vivant évolue, se transforme et change. On doit changer la religion, la relire, la faire évoluer. Nous sommes responsables de l’évolution de l’islam, ce n’est pas l’islam qui est responsable de notre évolution. Il est plus que temps d’inscrire l’islam dans le monde actuel. »Après une dizaine d’années passées en exil, l’enfant prodigue de Guelma rentre en au pays qui n’est heureusement plus celui qui avait sombré dans une absurdité folle et violente. En Algérie, ce dramaturge, au talent incontestable, est considéré comme celui qui a su inculquer l’amour du théâtre dans l’esprit du peuple algérien, et se faire le miroir de ses aspirations à la tranquillité. « La sécurité est revenue. J’ai toujours encouragé la paix et je travaille pour la paix. »
