Au printemps 2004, Fabien Onteniente proposait sa comédie People, ou Jet Set 2. Une "fausse" suite à Jet Set sorti quatre ans plus tôt, centrée cette fois sur José Garcia. A l'occasion de la rediffusion des deux volets de la comédie française ce soir sur NRJ 12, (re)découvrez l'interview du comédien, qui posait à l'époque en couverture du magazine Première.Vous aviez un rôle dans Jet set et vous êtes le personnage principal de People. Quel rapport ?Aucun ou presque. En tout cas, People n’est pas la suite de Jet set. Je jouais un Brésilien hystérique dans Jet set, c’était un petit rôle, cinq jours de tournage. Là, je suis John-John, roi de la fête. Sa spécialité est d’organiser des mégateufs dans le monde entier avec les meilleurs DJ devenus des stars. John-John est un créateur. Tout le monde est à sa botte et cède au moindre de ses caprices : "Tu veux un jet privé ? Tu veux ci ? Tu veux ça ?". Il a un seul problème : il rêve d’une vie normale avec son mec, du genre papa-maman-bébé. Mais la vie normale, c’est quoi pour ces gens-là ? Au moindre goûter qu’ils organisent, il y a Madonna, Julia Roberts et Martin Solveig aux platines. Là-dessus vient se greffer l’ancienne Jet set incarnée par Rupert Everett. C’est cette opposition de styles qui fait aussi l’intérêt du film.Vous avez choisi de faire basculer People dans la comédie gay. Pourquoi ?Cela faisait des années que je voulais jouer un personnage de gay. On pourra me dire que c’est une réminiscence de ceux – plutôt des travestis d’ailleurs – que je campais sur Canal+ avec Antoine de Caunes. Je crois surtout que c’est une communauté que j’aime beaucoup. J’aime son extrême fragilité et son énorme envie de vivre. Mais bon, je suis hétéro, hein !John-John, c’est John Galliano ?Quand j’ai expliqué à Fabien Onteniente le genre de personnage sensible et haut en couleur que j’imaginais, je lui ai montré une image de John Galliano, que je trouve beau et talentueux. Il me fascine, je pourrais rester des heures à le regarder. Ses looks, son côté racé, sa créativité... Je connais son travail fabuleux mais je ne l’ai jamais rencontré. J’ai tenté de m’inspirer de la fantaisie que je perçois chez lui pour essayer de recréer autre chose. Si j’avais essayé de vraiment lui ressembler, je n’aurais pu faire qu’une pâle copie. John-John est un personnage créé de toutes pièces avec d’autres influences venues de l’extérieur comme celle de Francisco, qui est un type du Pacha à Ibiza, super beau, rayonnant.Comment fait-on pour ne pas tomber dans l’exagération ?Le problème n’était pas de tomber dans l’exagération, mais le contraire... À force de trop contrôler mon jeu pour ne pas en rajouter, je prenais le risque qu’il devienne linéaire.Est-ce pour cette raison que Fabien Onteniente vous poussait beaucoup pendant le tournage ?Il me poussait parce que j’avais peur.Peur de quoi ?De refaire La Cage aux folles. J’adore ce film mais ça n’a rien à voir ; on est passé à autre chose. L’extravagance ne réside pas dans la féminisation banale de l’hétéro. Je voulais montrer le côté touchant, et Fabien était d’accord avec ça. Dire tout simplement qu’aimer est universel.Qu’est-ce que ça impliquait pour votre jeu ?De se poser beaucoup de questions. De ne pas passer avec la moto en rayant les voitures. D’être dans la nuance, de jongler en permanence entre le fait que le personnage soit gay, qu’il entretienne un rapport de couple avec son fiancé, Branco, et qu’il soit très puissant physiquement et, quelque part, très inquiétant. Je voulais le jouer comme un empereur romain.Cela a nécessité une grosse préparation ?Il fallait que mon fiancé soit quelqu’un de potentiellement désirable. Nous avons choisi Patrice Cols. Patrice tourne plutôt dans des films d’action au Canada et aux USA. On faisait du sport ensemble. Il m’avait aidé à me préparer pour d’autres films. Ce partenaire trouvé, je souhaitais que John-John ait l’air, disons... appétissant, qu’on ait l’impression qu’il se donne un peu de mal pour être à la hauteur de son mec au corps et au visagesculpturaux, qu’il soit sexuellement un tout petit peu touchant. Enfin, bref, qu’on forme un beau couple qui donne envie. Je me suis donc préparé pendant quatre mois mais sans excès : un peu de muscu et beaucoup de discipline côté régime alimentaire.C’est vous également qui avez eu l’idée du robot dément ?John-John devait faire son entrée en boîte accroché à un filin. Ouais, bof ! J’ai dit à Fabien : "Et pourquoi il serait pas dans un grand robot armé de sulfateuses à pastilles multicolores et multisensorielles ?". Fabien m’a répondu : "Ben alors !". Et quand je suis arrivé sur le tournage, le robot était prêt. Génial ! Sauf que l’animal pèse bien ses 50 kilos et que tout repose sur la colonne vertébrale. Au bout de dix minutes, ça bloque la circulation sous les bras et vous devenez tout blanc, tendance verdâtre. Je ne m’en rendais pas vraiment compte, mais quand on a enlevé le casque, j’ai vu la tête de l’équipe : ils avaient l’air vachement inquiets pour moi. C’était juste avant que je manque de tomber dans les pommes.Le film se passe en grande partie à Ibiza, dans le monde de la fête. C’est un univers qui vous a plu ?Sur la route de l’aéroport, les panneaux publicitaires donnent le ton : des pubs pour des DJ, pour des boîtes et rien d’autre. Les milliers de gens qui viennent faire la fête ici sont beaux, musclés, lookés à vous en filer des complexes. C’est la folie. Plus le tournage à Ibiza avançait, plus je me disais que tout ça, l’ambiance, la villa de rêve où je commençais à me sentir vraiment chez moi, allaient me manquer. Je m’imaginais rentrer dans mon appart à Paname et je redoutais le contrecoup. Je déconnais avec les autres : "Les mecs, j’avais un petit film d’auteur juste derrière. Je crois que je vais le repousser un peu." Tu me vois après ce délire jouer un mec du Nord qui a des pro- blèmes avec le chômage? C’était pas gagné.Le tournage dans des boîtes mythiques comme Le Privilège ou Le Pacha, c’était comment ?Hallucinant. Nous étions un peu en fin de saison mais de nombreux teufeurs étaient encore là. Figuration démentielle assurée. On commençait à tourner vers 18 heures et on finissait vers 11 heures du matin. Ce régime de nuit a duré une semaine. Fabien avait décidé qu’on devait jouer sur la musique pour faire plus vrai. C’est-à-dire qu’il fallait hurler pendant des heures, parce que les boîtes à Ibiza, c’est pas chez Castel, hein ! Les enceintes font deux mètres de hauteur minimum. Résultat : très vite, vous avez les veines du cou au bord de l’explosion. Le samedi arrive, et vous, vous diriez quoi ? Repos ? Ben non. Vous êtes à Ibiza, faut en profiter, mon gars. Alors, vous allez en boîte hurler avec des gens que vous ne connaissez pas forcément. Et le dimanche, faut surtout pas dormir plus que d’habitude. Sept heures, c’est tout. Sinon, vous perdez le rythme et vous devenez une loque. Un truc de dingue à la fin.Quels ont été vos rapports avec Fabien Onteniente ?Fabien est très à l’écoute des acteurs. Techniquement, il a fait des bonds de géant et possède désormais une maîtrise étonnante. Sur la direction d’acteurs, il m’a sauvé deux ou trois fois quand j’avais l’encéphalogramme plat ou une mauvaise idée dans laquelle j’allais m’enfoncer. Nous étions en osmose totale, on ne lâchait rien. Ce genre de comédie, c’est tellement violent. De la formule 1. Un petit instant d’inattention, un simple relâchement de quelques secondes, se retrouve multiplié par quinze sur un écran géant. Ça ne pardonne pas. Vous avez trop ouvert l’œil, vous surjouez une réplique : tout le monde le voit. En même temps, si vous n’y allez pas pied au plancher, vous ne pouvez pas faire cette comédie.Quelle a été la vraie difficulté de ce film ?La difficulté, c’était de se construire avec la folie du personnage. Quelque chose de fort, de passionné. Quand j’envoie chier mon mec, que je tape sur un truc, on sent que je pourrais lui balancer les deux fers en pleine tête. Ça fait peur. Ensuite, il faut passer sur des chemins plus sinueux, être plus en nuance. C’est super dangereux en permanence. Et très éprouvant puisqu’il faut continuellement trouver la fantaisie. De ma vie, je n’ai jamais eu aussi mal à la cage thoracique et au cœur. Je n’ai jamais été aussi concentré pour monter haut dans la comédie et faire quelque chose d’aussi différent. Je travaillais comme sur un toboggan avec des accélérations démentes, passant du rire aux larmes, creusant dans la sensibilité, repartant dans lacomédie pure. Le tout compliqué par le fait que j’adore enquiller les plans-séquences. C’est là que je trouve la vitesse d’exécution et le rythme que je veux donner. De plus, Fabien travaille avec trois, voire quatre caméras. Pour l’acteur, ça veut dire ne rien lâcher, être au top sous tous les axes. Bref, une expérience exceptionnellement forte, mais dont je suis sorti KO. C’est sûrement une des dernières comédies de ce type que je vais faire pendant un certain temps.Sur le tournage, vous ne vous arrêtiez jamais. Pourquoi cette débauche d’énergie ?Il fallait tenir l’équipe, qui était morte de fatigue. On jouait avec les intempéries, tournant dedans quand un extérieur était prévu, fonçant dehors dès qu’il y avait une éclaircie. Les techniciens montaient, démontaient, remontaient le matériel sans arrêt. Pour tenir l’équipe, il fallait créer une sorte d’excitation, d’énergie en continu. Ça veut dire, selon moi, déconner sans cesse, ne pas laisser le vide s’installer. Ce qui implique d’être concentré en permanence et de donner tout le temps. C’est usant.Êtes-vous comme ça dans la vie ?Pas du tout, je ne pourrais pas. Quand je le suis, c’est pour répondre à un besoin. Si vous voulez que l’énergie se voie dans votre regard, vous avez besoin de dégager de... l’énergie. En tout cas, moi oui. Quand j’ai froid sur un plateau, il faut que je me bouge le corps et la tête. C’est ma façon de lutter, d’envoyer chier la crève qui guette. Si je me couvre, je suis mort.Interview Ghislain LoustaloLa bande-annonce de Jet Set 2 diffusé mardi 22 juillet à 20h50 sur NRJ 12 : La bande-annonce de Jet Set diffusé mardi 22 juillet à 22h20 sur NRJ 12 :
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