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Isild Le Besco se donne plus qu’elle ne se prête à l’exercice en apportant à son personnage une sorte d’appétit vorace qui fait douter de sa condition (victime ou maîtresse ?). L’actrice n’est pas nécessairement à son avantage quand elle mime une poupée dont les ficelles sont tirées par un dément, mais lorsqu’elle prend la main, l’intensité de ses expressions exerce un grand pouvoir de fascination, moins brutal que celui de son manipulateur mais pas moins puissant. La fin, qui punit le saltimbanque parce qu’il a enfreint les lois du monde normal, est
ouverte à l’interprétation.
Toutes les critiques de Au fond des bois
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Benoit Jacquot ne filme pas l'amour et les intermittences du coeur, mais comment des êtres peuvent s'aimanter, hors contexte social. Pour aimer, il faut lâcher prise, et pour entrer dans une fiction, il faut aussi accepter d'éteindre sa vigilance : deux formes de croyances qu'explore, Au fond des bois.
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Sensuel, luxuriant et tumultueux, le dernier Benoît Jacquot fascine ! Un nouveau jalon dans une filmographie de valeur.
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La concision du film, tout le temps aigu, ajoute à sa cruauté. Pourtant, Au fond des bois dépasse le tableau clinique, dégrisé, de la passion. Il y a la fièvre de la cavale à deux, que Jacquot sait exalter, dans une sensualité fruste. Il y a l'idée que semblable aventure est nécessaire, fructueuse et même salutaire - c'est le père de la « magnétisée » qui tombe malade et non elle. Il y a enfin, pour ceux qui aiment débusquer dans les films une réflexion sur le cinéma, l'image, en filigrane, de la relation entre metteur en scène et interprète.
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Timothée, mi-diablotin aux rictus édenté, mi-simple d'esprit au charabia incompréhensible, effraie d'abord comme le loup dans le petit chaperon rouge. Le viol, frontal, choque. Mais Joséphine, aimantée, suit le saltimbanque sur les chemins escarpés de la découverte de soi, et peu à peu, prend le dessus - sur elle-même, et sur son bourreau. « Un jour, moi aussi je te tuerai », lui promet-elle un matin. Jacquot tresse ainsi un subtil réseau de sentiments entre les deux amants, un flux tendu d'émotions aussi puissantes que contradictoires, passant moins par le verbe que par les sens, et rendant impossible la réponse à la question posée plus tard dans le cadre figé du tribunal : l'a-t-elle, oui ou non, suivi de son plein gré. Le témoignage de Joséphine, d'abord « trop flottant » au goût du langage judiciaire, devient plus « net » sous la pression du procureur impérial. Mais les mots seuls ne peuvent résumer adéquatement leur aventure. La folie n'est jamais loin, dans le regard des héroïnes de Jacquot. Leur émancipation, si ambivalente qu'elle soit, passe par la fugue, l'échappée belle et solitaire, mais aussi par une violence faite au corps, à l'âme et au quotidien. Quand Joséphine demande à Timothée de la brûler au fer rouge, devant la foule, et endure la douleur sans sourciller, est-elle encore sous hypnose ? C'est indécidable, énigmatique comme le sourire asiatique d'Isild Le Besco. Le charme de ce film troublant et des ses deux acteurs principaux, magnétiques, est lui indéniable.
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Nous voici donc devant un de ces films cliniques dont Jacquot a le secret (Le Septième Ciel, Princesse Marie, etc.), où il est question de phénomènes à la fois banals et mystérieux, que la science (psychiatrie, psychanalyse) a commencé à étudier de près il y a environ un siècle : l’amour et le désir. Quelles sont les forces en jeu dans les relations amoureuses et sexuelles ? C’est le sujet du film : le constat du pouvoir qui s’exerce de part et d’autre au sein d’un couple (même provisoire) sans qu’on sache vraiment qui le détient, et l’analyse distanciée et étonnée de ce moment où deux partenaires subissent la même fascination l’un pour l’autre et s’unissent à la fois par le corps et l’esprit. Que se passe-t-il à ce moment-là ?
Tout cela est déjà passionnant “sur le papier”, mais l’attrait du film de Jacquot réside encore ailleurs, grâce à un aspect tout à fait essentiel au cinéma moderne, qui consiste à expérimenter, à faire se confronter des idées, des histoires, des fantasmes à l’épreuve de la réalité, de la lumière, du corps des acteurs. Et la réalité, en l’occurrence – même si Nahuel Perez Biscayart est étonnant –, a essentiellement le visage et le corps d’Isild Le Besco, objet de désir absolu du film : de son père (de façon symbolique), de son futur mari, du vagabond bien sûr, de l’officier de gendarmerie qui mène l’enquête – et, sans trahir leur intimité, celle aussi du cinéaste, qui fut le compagnon de l’actrice. -
Benoît Jacquot explore une nouvelle fois le vertige et les mystères de la sexualité, à travers l’échappée belle d’une femme qui largue les amarres. On serait presque tenté de voir une déclinaison d’« A tout de suite » dans ce film taiseux, ancré dans la nature et parfaitement maîtrisé – un de ses plus beaux sans doute.
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Là où Au fond des bois, bien aidé il est vrai par la vaillance, l'aplomb de ses acteurs, réussit à accrocher par sa furie durant ses deux premiers tiers, avant de s'égarer dans un dernier acte trop exclusivement consacré à l'insinuation, lors du procès du vagabond, des innombrables niveaux d'interprétations du phénomène (Joséphine Hugues, sous influence ou non ?).
Jusqu'ici inconnu en France, Nahuel Perez Biscayart, qui interprète Timothée Castellan, le vagabond, est assurément la véritable révélation du film, sa manière de s'engouffrer jusqu'au bout dans l'animalité de son personnage ne manquant pas de pousser sa partenaire dans ses derniers retranchements. Rarement en effet le jeu très physique de Le Besco aura été autant mis à l'épreuve, la rencontre avec la folie, la bestialité de Biscayart conférant à deux-trois de leurs scènes communes un caractère proprement hallucinatoire. Inconfortable, excessif, toujours au bord de la caricature, Au fond des bois n'est certainement pas le film le plus aimable, ni le plus séduisant de cette rentrée. Reste qu'à de nombreux égards, et encore une fois en regard du ratage absolu de son précédent opus, Jacquot parvient à livrer ici un film achevé, convaincu et risqué, laissant augurer pour la suite d'assez beaux lendemains. -
Inspiré d’un fait divers, «Au fond des bois» cultive son mystère : Joséphine a-t-elle été «magnétisée» par Timothée, comme le montre d’abord le film et comme elle le jurera plus tard au tribunal ? Ou a-t-elle cédé de son plein gré aux pulsions les plus primitives, ce qui serait finalement bien moins acceptable pour la société de l’époque ? D’abord difficile à avaler, notamment à cause du jeu volontairement outré d’Isild Le Besco, qui crée une distance presque comique dans les scènes où Timothée fait d’elle sa marionnette, cette histoire devient plus intéressante à mesure que les rapports de force s’inversent. Dans une nature sauvage, boueuse, organique, Benoît Jacquot filme une passion étrange, dérangeante, dont nul ne connaîtra le fin mot.