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Filmés avec une caméra HD très mobile et attentive à la réalité sociale contrastée de la ville qui les abrite, ces deux personnages représentent les deux facettes d’une crise identitaire généralisée où le nationalisme exacerbé et la haine de l’étranger (ici, les Turcs)
n’en finissent pas de ressurgir. Pourtant, malgré ce contexte et ce sombre constat (ce n’est pas pour rien que l’ambiance est nocturne, et la musique hardcore), Eastern Plays est tout entier innervé par un étonnant optimisme et une foi en l’homme, en l’art et en l’amour qui ne peuvent laisser indifférent.
Toutes les critiques de Eastern Plays
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Ce plaidoyer go east pour l’ouverture s’intègre tranquillement dans la fiction, beaucoup mieux qu’une scorie de sous-intrigue où un politicien échaude les esprits en poussant les skinheads à la violence raciste. Si Cronenberg n’en avait pas eu l’idée le premier, le film aurait pu s’intituler Eastern Promises : promesses pour ses personnages, et aussi d’un cinéaste aussi bien à l’aise avec l’énergie des heures indues qu’avec l’introspection sur une marche de HLM.
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Eastern Plays est un long métrage cabossé qui n'entend apporter aucune certitude sur les aléas de l'existence, qui s'articule comme une balade poétique dans le coeur fragile des êtres.
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(...)ce film potentiellement exotique - et donc d'une certaine manière, confortable - pourrait tout aussi bien se situer ailleurs. En France ou en Allemagne par exemple. Car le racisme, la violence dans les stades de football, les troubles de l' « identité nationale », tous ces maux sont loin d'être propres aux pays de l'Est. Dans sa description du malaise identitaire bulgare, Eastern Plays vise à l'universalité. Par fragments plus ou moins adroits (la love story avec la turque est moins intéressante que ses à côtés erratiques), Kalev donne des pistes, ouvre des brèches, en faisant s'entrechoquer réalité et téléréalité, multiculturalisme et xénophobie, rires et larmes, innocence et désenchantement. « Injecte moi de l'amour », feule une chanteuse, dans une cave rock. Dans ce tendre oubli contemplatif réside peut-être la rédemption.
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(...) Eastern Plays frappe d'abord par le sentiment d'authenticité qui s'en dégage. La mise en scène, privilégiant la caméra portée, contribue à alimenter le sentiment d'une plongée documentaire. Les acteurs sont mis dans la peau de personnages dont il est visible qu'ils leur ressemblent dans la réalité. Mais, au-delà du simple récit, c'est en effet une peinture sans illusions de l'état des lieux et du devenir contemporain de l'Europe qui se dégage de cette oeuvre pessimiste.
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Si la lecture politique tourne autour d'un triptyque attendu (errance, replis idéologique et faux espoir), le film sonne juste lorsqu'il colle aux basques de son acteur principal, Christo Christov, interprète exemplaire et junkie. Ironie dramatique, sa mort par overdose avant la fin du tournage renforce le portrait que fait Eastern Plays d'une génération en souffrance.
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Violence, tendresse, quiétude, mélancolie. Le film alterne des sentiments très marqués, passe d'un frère à l'autre, en creusant leur éloignement. Il faut attendre un événement dramatique, une expédition punitive, pour qu'ils se confrontent l'un à l'autre et, paradoxalement, se rapprochent. Autre perspective : en portant secours à la famille turque agressée, Itso fait la connaissance de la jeune fille, lumineuse. Le mal de vivre qui le ronge n'empêche pas les embellies. Dans ces moments-là, le film baigne dans une lumière d'or, caressante, de fin de journée estivale.
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Heureusement, après décantation, le film échappe consciemment à cette inattaquable catégorie de films aux bonnes intentions posthumes. Le souvenir tenace qui étreint Eastern plays ne s'explique pas uniquement par une quelconque compassion exaltée envers son acteur/personnage (pourtant incroyable de tension et de mesure). Tout procède plus naturellement d'un refus à se réfugier dans le folklore local : les avaries sociales (xénophobie rampante, précarité des artistes…) ne servent jamais à nourrir des tics exotiques pour festivalier en goguette. L'ambition semble embrasser une tangente beaucoup plus réflexive voire transcendante aux affaires locales. (...) Quand bien même l'issue réelle s'avère tragique, la sauvegarde reste le maître mot d'Eastern plays, quand celle-ci se teinte d'une escapade utopiste vers l'Orient (la Turquie, comme échappatoire finale). On attendra de pied ferme Kalev au second tour pour vérifier la pérennité de cette belle sincérité idéaliste.
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Tout y passe: racisme, drogue, décor urbain triste à mourir, mal de vivre d'une génération bradée. Ce tableau, bien sombre, parvient malgré tout à contourner l’accablement et les clichés: les personnages sont sensibles et forts, le récit assez fluide pour embarquer le spectateur dans sa méditation. Mention spéciale à Itso, le sculpteur qui lutte pour changer sa vie et en savourer les plus brèves éclaircies, joué par un vrai toxicomane décédé juste après ce tournage. Le film lui est dédié.
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Kamen Kalev, jeune réalisateur formé à la Femis, trouve, dès ce premier film, un ton : il observe, il décrit, il effleure les sentiments. Il y a quelque chose de très touchant dans cette errance apparente, ce flottement dans lequel les personnages se cherchent : la fin du film, sur un ferry qui traverse le Bosphore, est à la fois mystérieuse et rédemptrice. Incontestablement, Kamen Kalev est un jeune réalisateur à suivre.