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Première
par François Grelet
S’engouffrant dans la brèche ouverte par James Cameron, Robert Zemeckis, les frères Wachowski, voire David Fincher, Spielberg s’empare de sa caméra virtuelle pour repenser de fond en comble les bases du storytelling à l’ancienne. Les plus beaux moments de son Tintin se situent par là, dans cette manière d’oser des transitions impossibles pour imprimer au récit un dynamisme pétaradant, de réinventer la rythmique binaire du montage alterné pour lui infuser plus de nuances (attention les yeux sur la séquence de flash-back), de penser chaque scène sous le seul angle du morceau bravoure et de mettre à mal l’idée reçue selon laquelle un film se doit de ménager son spectateur avec des moments de flottement, plus communément appelés « respirations ». La bonne blague. Alors ça va vite, très vite, trop vite pour qu’on ait vraiment le temps de tout goûter. Mais suffisamment pour qu’on ait l’envie que le tempo ne baisse jamais. Restons calme. Du post-cinéma, du sur-cinéma, oui, partout, tous le temps. Mais aussi, lâchons les gros mots, un vrai film d’auteur. Tout est là, à peu près en ordre : la furia destructrice de 1941, les poussées de fièvre fulgurantes du Temple Maudit, les vignettes expressionnistes du Monde Perdu, un générique à la Arrête-moi si tu peux, un clin d’œil tordant aux Dents de la mer… On tombera aussi, inévitablement, sur une refonte - admirable - de Hook, dès lors que l’aventure mettra le cap sur le versant swashbuckler (ou film de pirates). On prend ça pour une piste : comme s’il fallait se venger d’un échec toujours pas digéré, comme si l’on nous glissait en douce que le cinéma d’hier était trop restrictif pour imprimer la toute-puissance de l’imaginaire spielbergien. L’intuition à chaud : on n’est pas forcément sûr de tenir ici le chef d’œuvre de son auteur, mais on se retrouve clairement face à l’expression la plus limpide, la plus évidente, de son cinéma. Parce que la plus libre, jusqu’à présent.
Reste le travail d’adaptation. Là encore, on ne voudrait surtout pas faire en trop, mais sachez qu’il laisse franchement bouche bée, faisant s’entrechoquer trois albums clés de la mythologie avec une fluidité et une liberté de ton sidérantes. Seul hic, les Dupondt, étrangement sous-exploités, jamais très amusants, font un peu pâle figure à l’arrivée, tandis que le charisme phénoménal du Haddock d'Andy Serkis rafle absolument tous les suffrages
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Première
par Frédéric Foubert
Contrairement à tous ses collègues cinéastes voyant approcher l’heure du bilan, Spielberg a toujours résisté à la tentation du film-somme. Trop occupé à explorer de nouveaux territoires, trop pressé d’ajouter, encore et encore, un nouveau titre à sa filmo. Un film-somme, il vient pourtant d’en signer un, et du genre sidérant, avec Les Aventures de Tintin – Le Secret de la Licorne. Pas étonnant que ce soit en adaptant Hergé que Spielby parvienne à ce climax, le reporter à houppette étant depuis trente ans la plus séduisante Arlésienne de son œuvre. Pas étonnant non plus que cette idée du "film-somme spielbergien" ne s’incarne pas en un chef-d’œuvre cadenassé, muséal et étouffant, mais plutôt en un roller-coaster explosif, dingo, pétaradant. Bourré d’échos des hits passés (Les Aventuriers de l’arche perdue, Arrête-moi si tu peux, Les Dents de la Mer, tous convoqués comme à la parade), parcouru très logiquement par le motif du reflet (des vitres, du verre, des miroirs, partout, tout le temps), Tintin est, d’abord, une hypothèse de divertissement total, terrassante d’inventivité formelle, presque monstrueuse à force de virtuosité. Un nouveau standard : le premier classique instantané du cinéma post-Avatar. Un rêve de gosse, aussi : Indiana Jones définitivement affranchi des lois de la gravité.
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Première
par François Grelet
S’engouffrant dans la brèche ouverte par James Cameron, Robert Zemeckis, les frères Wachowski, voire David Fincher, Spielberg s’empare de sa caméra virtuelle pour repenser de fond en comble les bases du storytelling à l’ancienne. Les plus beaux moments de son Tintin se situent par là, dans cette manière d’oser des transitions impossibles pour imprimer au récit un dynamisme pétaradant, de réinventer la rythmique binaire du montage alterné pour lui infuser plus de nuances (attention les yeux sur la séquence de flash-back), de penser chaque scène sous le seul angle du morceau bravoure et de mettre à mal l’idée reçue selon laquelle un film se doit de ménager son spectateur avec des moments de flottement, plus communément appelés « respirations ». La bonne blague. Alors ça va vite, très vite, trop vite pour qu’on ait vraiment le temps de tout goûter. Mais suffisamment pour qu’on ait l’envie que le tempo ne baisse jamais. Restons calme. Du post-cinéma, du sur-cinéma, oui, partout, tous le temps. Mais aussi, lâchons les gros mots, un vrai film d’auteur. Tout est là, à peu près en ordre : la furia destructrice de 1941, les poussées de fièvre fulgurantes du Temple Maudit, les vignettes expressionnistes du Monde Perdu, un générique à la Arrête-moi si tu peux, un clin d’œil tordant aux Dents de la mer… On tombera aussi, inévitablement, sur une refonte - admirable - de Hook, dès lors que l’aventure mettra le cap sur le versant swashbuckler (ou film de pirates). On prend ça pour une piste : comme s’il fallait se venger d’un échec toujours pas digéré, comme si l’on nous glissait en douce que le cinéma d’hier était trop restrictif pour imprimer la toute-puissance de l’imaginaire spielbergien. L’intuition à chaud : on n’est pas forcément sûr de tenir ici le chef d’œuvre de son auteur, mais on se retrouve clairement face à l’expression la plus limpide, la plus évidente, de son cinéma. Parce que la plus libre, jusqu’à présent.
Reste le travail d’adaptation. Là encore, on ne voudrait surtout pas faire en trop, mais sachez qu’il laisse franchement bouche bée, faisant s’entrechoquer trois albums clés de la mythologie avec une fluidité et une liberté de ton sidérantes. Seul hic, les Dupondt, étrangement sous-exploités, jamais très amusants, font un peu pâle figure à l’arrivée, tandis que le charisme phénoménal du Haddock d'Andy Serkis rafle absolument tous les suffrages
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Première
par Gérard Delorme
(...) avec Jamie Bell, dont les mouvements ont été enregistrés en performance capture, Tintin vit et bouge sans trahir son modèle de papier. Milou est très bien aussi, les Dupondt un peu moins, et
l’exposition entre très vite dans le vif du sujet. Un marché aux puces est l’occasion de rendre un hommage à la BD en citant les principaux personnages des albums dont s’inspire le film (Le secret de la licorne, Le trésor de Rackham le rouge et Le crabe aux pinces d’or), jusqu’à Hergé qui apparaît comme un dessinateur de rues. La multiplication des miroirs invite avec insistance à regarder dans le passé et faire le lien avec les héritages respectifs des trois auteurs. Parce que Tintin a beau être signé Spielberg, c’est véritablement un film hybride, une somme, la fusion de trois univers très proches qui ne demandaient qu’à être unis. (...) Sans trop dévoiler ce qui se passe, Spielberg profite à mort des possibilités de l’image de synthèse pour représenter des choses impossibles en prises de vues réelles. Parfois ça marche terriblement bien (l’arme secrète), d’autres moins. Lorsque Tintin (dans une réplique de la descente en wagons du Temple maudit) grimpe aux murs avec sa moto et se suspend aux fils électriques pour poursuivre un faucon, on a du mal à suivre. La chute du gorille géant et des dinosaures dans King Kong fonctionnait, parce qu’il y avait un sens de la gravité qui ancrait la scène, assurant aux personnages une dimension, un poids, et finalement une réalité. Dans Tintin (comme ailleurs), cette réalité est remise en question dès que les personnages s’affranchissent des lois de la pesanteur. La vielle loi de la « suspension of disbelief » en prend un coup. Question d’équilibre. Mais on ne va pas reprocher à Spielberg d’avoir voulu pousser le bouchon. Le résultat est quand même euphorisant, un concentré d’aventure venue de Belgique, d’Amérique, et de Nouvelle Zélande. Ici, on attend la suite.
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Première
par Gérard Delorme
(...) avec Jamie Bell, dont les mouvements ont été enregistrés en performance capture, Tintin vit et bouge sans trahir son modèle de papier. Milou est très bien aussi, les Dupondt un peu moins, et
l’exposition entre très vite dans le vif du sujet. Un marché aux puces est l’occasion de rendre un hommage à la BD en citant les principaux personnages des albums dont s’inspire le film (Le secret de la licorne, Le trésor de Rackham le rouge et Le crabe aux pinces d’or), jusqu’à Hergé qui apparaît comme un dessinateur de rues. La multiplication des miroirs invite avec insistance à regarder dans le passé et faire le lien avec les héritages respectifs des trois auteurs. Parce que Tintin a beau être signé Spielberg, c’est véritablement un film hybride, une somme, la fusion de trois univers très proches qui ne demandaient qu’à être unis. (...) Sans trop dévoiler ce qui se passe, Spielberg profite à mort des possibilités de l’image de synthèse pour représenter des choses impossibles en prises de vues réelles. Parfois ça marche terriblement bien (l’arme secrète), d’autres moins. Lorsque Tintin (dans une réplique de la descente en wagons du Temple maudit) grimpe aux murs avec sa moto et se suspend aux fils électriques pour poursuivre un faucon, on a du mal à suivre. La chute du gorille géant et des dinosaures dans King Kong fonctionnait, parce qu’il y avait un sens de la gravité qui ancrait la scène, assurant aux personnages une dimension, un poids, et finalement une réalité. Dans Tintin (comme ailleurs), cette réalité est remise en question dès que les personnages s’affranchissent des lois de la pesanteur. La vielle loi de la « suspension of disbelief » en prend un coup. Question d’équilibre. Mais on ne va pas reprocher à Spielberg d’avoir voulu pousser le bouchon. Le résultat est quand même euphorisant, un concentré d’aventure venue de Belgique, d’Amérique, et de Nouvelle Zélande. Ici, on attend la suite.