-
Cette fois, les choses sont claires ? Après The Northman, Nosferatu permet d’y voir un peu mieux dans la vision de cinéma de Robert Eggers -dont le sommet reste pour le moment The Lighthouse, morceau radioactif surgi des profondeurs émettant des visions contagieuses au-delà de son cadre de cinéphile maniaque. C’est justement ce qui intéresse Eggers ici : de faire de Nosferatu le vampire un monolithe noir, une figure obsédante, magnétique, qui attire et qui repousse. « Je suis un appétit, rien de plus », grogne Bill Skarsgård du fond de sa crypte, d’une voix lente et gravissime, frôlant la parodie. L’ambition est énorme, l’appétit ogresque : il s’agit de faire un film d’horreur terrassant, directement inspiré du Nosferatu de Murnau -le patient zéro du cinéma de la trouille, sans cesse réincarné, toujours contagieux.
Et donc : comme The Northman était plus proche de Conan le destructeur que de Andreï Roublev, c’est dans l’ordre de la vision de cinéma d’Eggers que son remake de Nosferatu, malgré et à cause de tout le sérieux affiché, soit plus proche de Dracula, mort et heureux de l’être que de Murnau ou Herzog. Ce n’est pas si insultant : Mel Brooks, qui tournait sa parodie de Dracula après celle de Frankenstein avec un énorme appétit cinéphile, connaissait par cœur la Hammer et Universal Monsters aussi bien que leurs détournements. Sauf qu’Eggers, trop pris par la sculpture de son monolithe, ne réalise pas qu’il est également dans un détournement.