- Fluctuat
Notre avis est clair : The Island est un film nul. Nul et dégénérescent. Mais il ne suffit pas de le dire. Il faut encore expliquer en quoi. Et pourquoi.
The Island est nul. Il est nul parce que tout en lui fonctionne comme un acheminement certain vers le vide, la pauvreté et la dégénérescence cognitive. Etre spectateur du dernier film de Michael Bay, c'est être dans un état semi-végétatif, au mieux dans une conscience primitive. Comme les personnages de Scarlett Johansson et Ewan Mc Gregor, ces tristes clones issues d'une société totalitaire cachant secrètement une banque d'organes où les riches se font cloner pour vivre une quasi-éternité, on cherche la liberté, la vérité, alors que le film nous écrase. Qu'il ne promet qu'une fuite en avant tout aussi vaine que la course du jogger, celui qui fonce sans but ni destination, qui ne court qu'après lui-même, pour sa seule performance. On voudrait pouvoir se poser des questions devant The Island, frémir un peu pour ou contre le clonage, au pire jouir librement d'une interprétation délirante pleine d'images surannées, mais non.La vérité, le discours, sont des choses qui n'intéressent pas Michael Bay l'artificier, ce gamin qui aime tant faire voler les voitures sur une aile d'autoroute (ce qu'il fait de mieux). Pire, il est capable par maladresse de faire passer ses vrais sponsors, Puma et X-Box (Microsoft), pour des bienfaiteurs de l'eugénisme le plus délirant et abject. Les deux marques, grassement placées dans le film, habillant et amusant les clones voués à l'abattoir. Subversion « détournée » ? Nullement. Rien ne concourt à ce que les marques existent dans ce monde là, elles s'affichent, clignotent à la surface du film avec le rire hilare du cynique radical. Tout ce qui intéresse Bay c'est faire de l'effet (sans cause), du gros, massif, anesthésiant, et bidouiller des cascades improbables au fil d'un récit qui ne l'intéresse pas, qu'il désamorce sans cesse, et devant lequel on attend sagement avec quelques longueurs d'avance. Même l'hyper effet audiovisuel tant attendu ne produit rien d'autre que sa propre volonté en tas, une impossibilité évidente de considérer l'entreprise même avec amusement, distance et encore moins d'ironie. Michael Bay n'est pas Andrew Lau, il croit qu'il peut tout se permettre alors qu'il en est incapable.Mais Bay fait semblant d'y croire, il retarde au maximum la résolution de l'histoire, l'image brille de mille effets dorés et clinquants, le montage s'enivre lui-même de sa propre puissance anarchique, le design des voitures est classe et inventif (vraiment), il faut bien épater les légumes. Ainsi le cerveau, bassement sollicité dans ses régions les plus régressives, se contente d'attendre pendant 2h12 quelques stimuli, de minces pics d'excitation tournant le plus souvent autour des lèvres de Scarlett Johansson. Il n'a pas (le cerveau) les incroyables pulsions machistes et ultra vulgaires assumées d'un Bad Boys II (cette grande confession intime de Bay), pour se réveiller de son somnambulisme. Dans The Island les clones se répandent comme des spermatozoïdes sur les plaines d'Arizona, et on s'en fout. Le film se termine et c'est bien. On n'a pas même envie de se poser la moindre question possiblement ouverte sur l'eugénisme, le droit à la vie, le parc humain. On se débranche et tout rentre dans l'ordre, le cerveau peut retrouver ses activités normales.The Island
Un film de Michael Bay
Etats-Unis, 2005
Durée : 2h12
Avec : Scarlett Johansson, Ewan Mc Gregor, Sean Bean...
Sortie salles France : 17 août 2005[Illustrations : The Island. Photo © Warner Bros]
- Lire la chronique de Pearl Harbor (Michael Bay, 2001)
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