"J’avais sept ans quand je l’ai vu. Mon père était très cinéphile. Le week-end, il ne m’emmenait pas jouer au base-ball, on allait au cinéma. Il me disait des trucs du style – 'T’as jamais vu Fenêtre sur cour ?' Et je répondais : 'Papa, j’ai quatre ans ! (Rires)" On est donc allé au cinéma ce jour-là voir un double programme, avec Yellow Submarine puis 2001, l’Odyssée de l’espace. San Francisco dans les sixties, quoi ! 2001 a commencé et… il n’y avait aucun dialogue ! Juste ces singes. Je me tourne vers mon père et je lui dis : 'Papa, personne ne parle.' Il me regarde, sourit et répond : 'C’est l’idée.' Ah ? OK. Si c’est l’idée… Ça m’a retourné le cerveau. Je me disais : 'Ils sont en train de me préparer pour le futur. Pour les voyages dans l’espace. Il faut que je sois prêt.' Je regardais un peu ça comme les films pédagogiques qu’on montre à l’école sur la dissection des grenouilles ou la reproduction. Puis, à la fin, je me suis dit : 'Là, ils me préparent pour l’au-delà, pour la vie après la mort.' Je ne sais pas si c’est vraiment utile d’y penser dès ses sept ans…"
"Il faut montrer 2001 aux jeunes enfants. Ils sont capables de le comprendre à un niveau élémentaire, fondamental. C’est ce qui m’est arrivé. Je l’ai vu quand j’avais sept ans et le film a fonctionné sur moi comme un spectacle cinématographique à l’état pur. J’étais extrêmement déconcerté par le film, mais également très excité. Le film était ressorti dans la foulée de Star Wars, on est allé le voir avec une bande de copains. On rêvait de vaisseaux, d’espace, de faire l’expérience de quitter la Terre. Quand les gens s’interrogent sur l’âge qu’il faut avoir pour apprécier ce genre de film, ils se demandent : 'Comment un enfant de sept ans peut-il analyser le sens de 2001 ?' Mais ce n’est pas un film beaucoup plus facile à analyser quand on est adulte ! C’est l’expérience qui prime."
"Nous sommes tous les enfants de D.W. Griffith et Stanley Kubrick. 2001, l’odyssée de l’espace fut le premier film à coupler caméra et ordinateur afin de créer des effets spéciaux pour le voyage de l’astronef dans l’inconnu. Ce fut une révolution en matière de sorcellerie visuelle. Chaque plan de 2001 vous faisait prendre conscience que les possibilités de manipulations du cinéma sont effectivement infinies. Comme Intolérance de Griffith, comme L’Aurore de Murnau, ce fut à la fois une superproduction, un film expérimental et un poème visionnaire."
"Je crois que c’est la première fois que la science-fiction était prise au sérieux. Avant ça, les films de SF, surtout ceux des années 50, étaient des séries B. Des histoires de monstres géants, de fourmis géantes, etc… J’étais étudiant en cinéma quand j’ai vu 2001 pour la première fois, vous imaginez à quel point ça m’a impressionné ! La manière dont l’histoire est racontée est tellement avant-gardiste. C’est une expérience visuelle et non verbale. Une réinvention du medium. Un film muet à l’ère du cinéma sonore. Je pense qu’on reviendra à ça."
"A chaque fois que je le vois c’est la même chose : je ne comprends pas ce que je suis en train de regarder, ce que le film raconte, et puis soudain j’ai comme un flash : l’espace de trois ou quatre plans, j’ai cette épiphanie, je comprends tout. Et ça s’en va presque aussitôt, ça s’évapore…"
"La première fois que je l’ai vu, je me suis dit : 'Ce n’est pas un film.' Ce n’était pas un documentaire, ce n’était pas une histoire au sens classique du terme, pas vraiment de la science-fiction non plus, mais plutôt de la prospective scientifique. La forme cinématographique était réinventée."
"C’est le film que j’ai le plus vu. Plus de 40 fois. Ma vie a changé quand je l’ai découvert au cinéma, à Buenos Aires, à l’âge de sept ans. C’était ma première expérience hallucinogène, un choc esthétique et aussi l’occasion pour ma mère de m’expliquer ce qu’était un fœtus et comment j’étais venu au monde. Sans ce film, je ne serais jamais devenu réalisateur."
"Une lumière s’est allumée dans mon esprit. Je suis retourné le voir en salles une dizaine de fois. Je me suis rendu compte qu’en plus de raconter une histoire, un film pouvait être une œuvre d’art, qu’il pouvait avoir un impact sur l’imagination, que la musique pouvait influencer les images, et tout le reste."
"Pauline Kael a dit de ce film qu’il était 'd’une absence d’imagination monumentale'. Ah ah ah ! Ma phrase préférée jamais écrite par un critique !"
Fêtons ensemble les 50 ans du classique de Stanley Kubrick.
Le film du jour, à Cannes, c'est 2001 : L'Odyssée de l'espace, qui fête son cinquantième anniversaire en étant rediffusé sur la Croisette dans une version restaurée et inédite en 70 mm. Le tout présenté par Christopher Nolan (Interstellar).
50 choses à savoir sur 2001, l’Odyssée de l’espace
Génie visionnaire, ermite misanthrope, champion d’échecs, fan de Beethoven, Stanley Kubrick était aussi un filmmaker’s filmmaker. Un cinéaste pour cinéastes. Quelques-uns des plus grands d’entre eux ont déclaré leur flamme à 2001 : L’Odyssée de l’espace. En préparant le dossier consacré au film pour le 3e numéro de Première Classics, la rédaction a condensé les visions du film de Paul Thomas Anderson, Steven Spielberg, James Cameron, Christopher Nolan, George Lucas, Gaspar Noé, John Landis et Martin Scorsese.
Jan Harlan : "Les vieux ne comprenaient rien à 2001, l'Odyssée de l'espace"
(Sources : YouTube, James Cameron l’odyssée d’un cinéaste, Voyage à travers le cinéma américain, Standing on the shoulders of Kubrick, Stanley Kubrick : Une vie en images, British Film Institute, LA Times, Vice)
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