Dany Boon, à l’affiche de Lolo mercredi, n’est jamais aussi conquérant au box-office que lorsque ses partenaires féminines lui servent de faire-valoir. Cette tendance, s’agissant des comiques, ne date pas d’hier.
Julie Delpy ne devrait pas lire le papier qui suit. Car, toutes proportions gardées, les chiffres ne jouent pas en faveur de Lolo, sa nouvelle comédie où elle partage l’affiche avec le bankable Dany Boon. En effet, sur les huit derniers films que l’acteur a tournés depuis Bienvenue chez les Ch’tis, trois d’entre eux seulement ont dépassé la barre des deux millions d’entrées : Rien à déclarer, Astérix et Obélix : Au service de Sa Majesté et Supercondriaque, autant de « grosses » comédies où les intrigues amoureuses sont, ou absentes, ou secondaires, et où Dany Boon tient le haut du pavé –il en a d’ailleurs réalisé deux. Les autres films n’ont pas à rougir de leurs résultats, mais avec une moyenne de 1,5 millions d’entrées, ils sont loin de rivaliser avec les cartons pré-cités, tous au-dessus des 4 millions. À noter qu’à l’exception de Micmacs à tire-larigot, il s’agit de romcoms (De l’autre côté du lit, Un plan parfait), d’une comédie de remariage (Eyjafjallajokull) et d’un film choral (Le code a changé), qui sont moins des véhicules pour Dany Boon que des productions opportunistes qui parient sur son pouvoir d’attraction au box-office. C’est pour le coup un peu raté.
Émasculation symbolique
Quand les gens vont voir une comédie grand public en salles, ce n’est pas pour l’histoire, c’est pour Dany Boon, Franck Dubosc ou José Garcia. Avant, c’était pour Pierre Richard, Michel Blanc ou Christian Clavier. Encore avant, c’était pour Bourvil, Fernandel, Jacques Tati ou Louis de Funès. Le point commun entre tous ces acteurs ? Leur virilité ne s’incarne jamais à l’écran, ou alors de façon tellement caricaturale (Dubosc), voire poétique (Richard), qu’elle est pour ainsi dire gommée. Certes, Louis de Funès et Christian Clavier ont souvent joué des maris, mais des maris indifférents/odieux/paternalistes –cochez la mention inutile. Mettez-leur des partenaires féminines trop encombrantes qui rappellent ce qu’ils sont –des hommes- et c’est la cata assurée. La force comique de ces acteurs est bel et bien concomitante à leur émasculation symbolique, à leur infantilisme revendiqué. Dany Boon face aux déesses Sophie Marceau et Diane Kruger, c’est un contresens total, presque une aberration.
Le modèle Charlot
La « faute » originelle en revient à Charlie Chaplin. Le père de tous les comiques a institué avec Charlot une charte inaltérable : un personnage burlesque ne peut s’épanouir que dans une adversité binaire (flics, concurrents, engins divers) et un environnement hostile (misère, monde moderne). Le rire naît nait de contrastes violents, d'antagonismes insurmontables. Le comique ne fait pas dans le sentiment, sauf s'il y est contraint. Chaplin a mis de l'eau -de rose- dans son vin lorsqu'il est passé au long métrage et qu'il lui a fallu raconter de vraies grandes histoires populaires et universelles. Mais les éléments de romance, bien présents dans ses films, ont toujours été à l'arrière-plan du discours et des enjeux véritables de son cinéma. Chaplin n'a jamais tourné de screwball comédies, et n'aurait jamais tourné de romcoms, leurs équivalents modernes, pour une bonne raison: il aurait dû embrasser la mariée.
@chris_narbonne
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