À une semaine de l'ouverture des Jeux Paralympiques de Paris 2024, France 2 diffuse ce soir un documentaire passionnant : six portraits d'athlètes handisport, six parcours de vie exceptionnels. Rencontre avec les réalisateurs Thierry Demaizière et Alban Teurlai.
"On est des portraitistes, pas des journalistes sportifs." Au-delà des performances, Thierry Demaizière et Alban Teurlai ont filmé pendant une année entière six athlètes handisport aux quatre coins du monde. Six rêves de Jeux Olympiques incarnés par Anne-Sophie Centis (équipe de France, cyclisme en tandem), par Alexis Hanquinquant (équipe de France, para-triathlon), par Gabriel Araujo (équipe du Brésil, para-natation), par Cédric Nankin (équipe de France de rugby-fauteuil), par Zakia Khudadadi (championne d’Europe de para-taekwondo) et par Oksana Masters (équipe des États-Unis, hand bike). Ce soir, ils racontent leurs parcours hors du commun, sur France 2, dans le fantastique documentaire À Corps Perdus, aussi impressionnant que bouleversant.
"On a fait des portraits d'athlètes avant tout, pas des portraits de handicapés... Ca, ils détestent", nous confient les deux réalisateurs, que Première a pu interroger il y a quelques jours. "Parmi tous ces sportifs, il y avait des mines d'histoires à explorer. Parce que leurs médailles sont encore plus lourdes que celles des valides. Je veux dire par là qu'ils vont peut-être les chercher encore plus loin... Le seul problème qu'ils ont, en fait, c'est notre regard. Le regard de notre société..."
Pendant 1h40, À Corps Perdus s'emploie à décrypter leurs histoires faites de douleurs, d'acharnement, d'entraînements et d'une inébranlable résilience. De véritables guerriers aux portes des Jeux de Paris 2024, qui espèrent que l'événement Paralympique saura engendrer la même passion que les deux semaines de folie qui ont plongé la France dans une certaine euphorie au milieu de l'été : "On a regardé ces Jeux de Paris en pensant à nos athlètes paralympiques. En espérant qu'ils pourront récupérer un peu de cette ferveur quand leur tour viendra", reprennent Thierry Demaizière et Alban Teurlai. "Parce qu'il y a une telle injustice par rapport à ça... On voudrait que les salles soient aussi pleines pour eux que pour les valides. Même si ce sera la rentrée et qu'il y aura moins de monde, forcément, on commence à y croire..."
"On a fait très attention à ne pas en faire des héros"
Sans aucun doute, la diffusion de leur documentaire, ce soir, en prime time, aidera à remplir les stades et autres arènes conçues pour l'occasion. Car le public va déjà vibrer au rythme des péripéties à couper le souffle, narrées par ces six athlètes. Comme Zakia Khudadadi, spécialiste des arts-martiaux Afghane, qui a dû fuir son pays pour éviter une mort certaine, quand les Talibans ont repris le contrôle de Kaboul : "Elle souffre d'un triple handicap, puisqu'elle elle est une femme dans l'Afghanistan des Talibans, issue de la minorité ethnique Hazara et née avec un handicap physique... Voir cette gamine évoluer dans le film, montrer ses cheveux, se maquiller et devenir une championne de taekwondo au nom des femmes afghanes... C'est un destin complètement fou." Comme elle, les six athlètes filmés "ont tous des parcours de vie incroyables. On s'est limité à ces six-là, mais le monde du sport paralympique regorge d'histoires plus dingues les unes que les autres." Des destins uniques, qui font de Zakia, Cédric ou Anne-Sophie de véritables héros de cinéma, plus forts que la fiction. Un regard qui les agace pourtant : "On a fait très attention à ne pas en faire des héros" insistent les deux réalisateurs. "Eux détestent cette héroïsation, qu'on les regarde comme des surhommes ou des êtres augmentés... C'est quelque chose dont ils ont horreur, parce que ça les met encore dans une catégorie à part. Ils veulent être vus comme des sportifs, tout simplement."
"Ils n'acceptent plus qu'on dise qu'ils sont invalides"
Tous les six ont ainsi livré leurs vérités sans détour. "Ils avaient tous très envie de parler, de se confier, parce qu'ils souffrent tous d'un manque de visibilité et de représentation. Il y a une vraie frustration chez eux, alors quand on vient pour les filmer, filmer leur sport, leurs exploits, ils sont ravis de nous ouvrir la porte." Les Jeux Paralympiques sont, en ce sens, un moment crucial dans l'évolution du regard des autres sur les athlètes handisport. Pour Thierry Demaizière et Alban Teurlai, c'est le moment idéal pour "créer un engouement autour de leurs performances, parce qu'ils passent l'année à faire des exploits dans des stades vides. On aimerait tant que leurs efforts soient récompensés par un soutien populaire et que ce documentaire permette de faire bouger les lignes. Que les gens comprennent qu'ils sont des gens biens dans leur sport et bien dans leur corps. Ils se sont adaptés au monde sans attendre que le monde s'adapte à eux. Alors ils n'acceptent plus qu'on dise qu'ils sont invalides. Quand Alexis Hanquinquant fait 400 km de vélo par semaine, il ne comprend pas qu'on dise de lui qu'il est invalide ! Il y a ce ras-le-bol chez eux de la perception des valides. Comme le dit Alexis dans le film : qui connaît son nom aujourd'hui en France, alors qu'il a autant de médailles que Clarisse Agbegnenou ?"
"Bien sûr qu'on va aller les voir !"
Le film de Thierry Demaizière et Alban Teurlai est ainsi la première pierre d'un édifice qui se renforcera avec la diffusion intégrale des Jeux Paralympiques, sur France Télévisions. Et les deux réalisateurs, eux, ne manqueront pas d'aller sur sites pour applaudir leurs six athlètes : "Bien sûr qu'on va aller les voir. Ce sera une émotion particulière. Et d'ailleurs, je pense d'ailleurs que les places vont s'arracher après la diffusion du documentaire. Les gens vont se ruer sur les billets pour aller voir les Paralympiques ! Je suis certain qu'ils seront nombreux à vouloir aller soutenir Zakia au Grand Palais ou aller voir Alexis plonger du Pont Alexandre III !"
À Corps Perdus, réalisé par Thierry Demaizière et Alban Teurlai, est diffusé le 20 août à 21h10 sur France 2 et sur la plateforme france.tv.
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