After the Hunt : Julia Roberts
Amazon MGM Studios

Disponible sur Prime, le film avec Julia Roberts est un simili-Tar au propos assez confus.

After the Hunt ne restera sans doute pas dans les annales du cinéma, mais son générique est mémorable. Bande-son jazzy, typo Windsor en lettres blanches sur fond noir, casting présenté "in alphabetical order"… Ça alors ! Luca Guadagnino a choisi d’ouvrir son film à thèse sur #MeToo et la cancel culture par un hommage à… Woody Allen. Une façon pour lui de rester fidèle à ses manières de cinéaste "vampire", toujours excité à l’idée de se nourrir de l’œuvre d’autres réalisateurs (Ivory pour Call me by your name, Argento pour Suspiria, Deray pour A Bigger Splash…), et se plaçant donc ici dans la roue d’Allen – le Allen 80s, période Crimes et Délits, avec ses personnages d’intellos en plein questionnements moraux. Mais ce clin d’œil sert avant tout à Guadagnino de note d’intention un peu frimeuse, comme s’il prévenait d’emblée les spectateurs qu’il est là pour les mettre mal à l’aise, qu’il n’y aura pas ici de trigger warnings, en écho à la tagline du film, « Tout n’a pas vocation à être agréable » (« Not everything is supposed to make you comfortable »), surmontant sur l’affiche des visages de comédiens aux sourcils très intensément froncés, pour bien faire comprendre qu’ils se sont emparés d’un sujet de société hautement inflammable.

Le sujet de société en question, c’est la révolution #MeToo, le retour de bâton réactionnaire qu’elle a entrainé, et comment tout ça a été vécu dans les hauts lieux de l’élite intellectuelle américaine. En l’occurrence, l’université de Yale, où enseigne l’héroïne du film, une prof de philo jouée par Julia Roberts, bientôt chamboulée par les accusations d’agression sexuelle qu’une de ses élèves (Ayo Edebiri) va porter contre l’un de ses collègues, et probablement amant (Andrew Garfield), ainsi que par la lente remontée à la surface d’un trauma qu’elle pensait avoir soigneusement enfoui. Fable morale racontée sur le ton d’un thriller à mèche lente (vraiment très très lente), After the Hunt dissèque à travers le personnage de Roberts les contorsions d’une intelligentsia certes progressiste, mais débordée dans son confort intellectuel par la nouvelle génération woke – génération à laquelle le film entend aussi chercher des poux.

Andrew Garfield dans After the Hunt
Amazon MGM Studios

Le style à la fois chic et vieillot, porté par la belle photo ténébreuse de Malik Hassan Sayeed (ancien collaborateur de Spike Lee), peut évoquer le cinéma de Mike Nichols, dans sa veine la plus bavarde et compassée, mais c’est surtout au Tar de Todd Field et Cate Blanchett qu’on pense, modèle évident, pompé de façon franchement pataude dans une scène où la prof boomeuse s’emporte contre ses élèves trop sensibles à ses yeux. Ceci dit, malgré les intentions provoc’ affichées, le film ne mord en réalité pas très fort, se contentant d’observer ce manège à distance, avec l’ironie d’un Européen s’amusant des circonvolutions d'Américains empêtrés dans le politiquement correct, et en tirant la conclusion bien tiède que la vérité est changeante, suivant l’endroit d’où on l’observe. Julia Roberts est passionnante à regarder, un spectacle en soi, on est content de la voir mue par un vrai désir d’actrice, après le come-back chez Sam Esmail (Homecoming, Le Monde après nous) et de longues années où elle semblait s’être lassée de jouer la comédie, mais le film finit par ressembler à ses personnages de profs beaux parleurs, très satisfaits d’eux-mêmes et se donnant des airs importants – jusqu’au mot de la fin, prononcé par le cinéaste lui-même, dans un effet de signature terriblement prétentieux.

After the Hunt, de Luca Guadagnino, avec Julia Roberts, Ayo Edebiri, Andrew Garfield… Sur Prime Video.