Nommée aux Golden Globes pour Les Feuilles Mortes, la Finlandaise brille en politicienne découvrant le polyamour dans l’emballant film de sa compatriote Selma Vilhunen. Retour sur cette année à part dans son parcours… en français s’il vous plaît !
Dans Amours à la finlandaise, vous incarnez une femme politique qui, découvrant la liaison de son mari avec une autre, propose aux intéressés une configuration amoureuse libre se transformant rapidement en quatuor sentimental. Qu’est ce qui vous a séduit à la lecture de ce scénario ?
Alma Pöysti : Le fait que ce soit une comédie mais sans jamais tomber dans la blague ou la moquerie. Cette manière légère d’aller en profondeur des choses, en l’occurrence du sentiment amoureux. Alors que souvent, dans les films, on se sert de la polyandrie pour faire rire aux dépens de ceux qui la vivent. Là, on parle d’une politicienne de haut niveau et d’un prêtre qui vivent ensemble depuis 20 ans et pour qui tout semble bien aller dans leur couple. Jusqu’au jour où lui tombe amoureux d’une autre. Une situation a priori banale, à la différence de la réaction de sa femme et de la solution qu’elle trouve pour sauver leur couple : expérimenter le polyamour. Faire au fond au grand jour ce que la plupart des gens dans cette situation font en se cachant. C’est pourquoi plus je tournais les pages de ce scénario, plus je me disais que je n’avais rien lu qui ressemblait de près ou de loin à ce que Selma Vilhulen a imaginé. Son regard sur ses personnages n’est jamais moraliste mais toujours empathique. Il n’y a pas de méchants et de gentils dans cette histoire à deux qui devient une histoire à quatre.
Elle vous a proposé directement ce rôle ?
Non, je suis passée par des auditions, en solo et avec d’autres comédiens envisagés par les autres rôles. Et j’ai tout de suite adoré Eero Milonoff qui joue mon mari. Le grand défi pour nous deux, une fois choisis, était qu’on croit dès le premier plan que cet homme et cette femme aient 20 ans d’intimité derrière eux. Sinon ça foutait en l’air tout le reste.
Une fois choisie, comment vous êtes- vous préparée à ce personnage ?
Par les échanges avec Selma pour commencer. Je veux partager au plus près son univers pour comprendre ce personnage qu’elle a imaginés. C’est la base de mon travail. A partir de là, je lis quelques livres sur le sujet du polyamour, je vais aussi visiter le Parlement finlandais, je rencontre des femmes et des hommes politiques. On a aussi beaucoup travaillé avec un coordinateur d’intimité, pas uniquement pour les scènes de sexe, mais plus largement la manière dont cette femme et son mari se comportent l’un avec l’autre dans leurs gestes au quotidien et la façon dont tout cela va évoluer au fil de ce qu’ils vivent pour parvenir à cette crédibilité que j’évoquais plus haut. Mais une fois ce travail emmagasiné, je laisse entrer les sentiments du personnage pour vivre les scènes de la manière dont Selma les a écrites : sans juger quoi que ce soit. Il y a heureusement tout un tas de choses que tu ne peux pas planifier. Et Selma a cette qualité de te laisser énormément de liberté. C’était un challenge sur le plateau car aucun jour ne ressemblait à un autre. Mais j’ai beaucoup appris que ce soit dans mon métier comme dans ma manière de penser les relations amoureuses.
Vous parlez très bien français. Où avez- vous appris notre langue ?
A Paris. Je suis venue étudier le français à 19 ans et je suis resté une année, une sorte d’année sabbatique aussi pour savoir ce que je voulais vraiment faire de ma vie.
C’est donc à Paris que vous avez décidé de faire ce métier ?
Oui ! C'est quelque chose que j'avais en moi depuis toujours car je viens d'une famille de théâtre : mes grand- parents sont des acteurs, mon père metteur en scène. Mais c’est longtemps resté un rêve secret car je ne me voyais parvenir à y faire ma place. Alors, après le lycée, j’ai voulu me donner un an pour décider si je me lançais ou non, pour constater si j’allais avoir l’énergie et le courage de me lancer car j’avais vu voir de près que ce métier n’avait rien d’un long fleuve tranquille. Et c’est à Paris que j’ai eu ce courage. Et quand je suis rentrée en Finlande, je me suis inscrite à l’Académie de Théâtre d’Helsinki d’où je suis sortie diplômée en 2007
Juste avant que nous commencions cette interview, vous avez appris que vous étiez nommée aux Golden Globes, catégorie meilleure actrice dans une comédie pour Les Feuilles mortes d’Aki Kaurismäki notamment face à Jennifer Lawrence (Le Challenge), Natalie Portman (May december), Emma Stone (Pauvres créatures) ou encore Margot Robbie (Barbie)…
… Et je vous assure que je ne comprends toujours pas ce qui m’arrive !
C’est aussi par audition que vous avez été choisie par Kaurismäki ?
C’est beaucoup plus fou que ça ! Un jour, j’ai reçu un coup de fil d’Aki qui a demandé à me rencontrer. Sur le moment, j’ai cru à une blague car j’ai grandi avec ses films et pas un instant je n’aurais imaginé qu’il me propose un jour de tourner avec lui. Mais j’y suis évidemment allée. Jussi (Vatanen), mon futur partenaire, était là aussi. Et là Aki nous a expliqué l’idée de film qu’il avait en tête et qu’il reviendrait vers nous plus tard, une fois qu’il aurait écrit. Avec Jussi, on ne sait pas pourquoi il a voulu nous rencontrer mais on ne lui a pas posé la question ! (rires) C’est comme en amour il ne faut pas demander pourquoi. Sinon, c’est le début des ennuis ! (rires)
Et quand vous a-t-il rappelé ?
Un an plus tard. Et quelques mois après, on tournait
Ca ressemble à quoi un scénario de Kaurismäki ?
Le texte est très court… mais d’une poésie incroyable. Il n’y a pas un mot à changer, une virgule à déplacer. Tout est d’une limpidité inouïe pour nous, comédiens. Il s’agit juste de jouer ce qui est écrit. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, je pense, il ne veut pas répéter et souhaite se limiter à une prise par scène. Les règles du jeu sont fixées dès le départ.
Vous étiez comment le premier jour de tournage ?
Très stressée notamment parce qu’avec une seule prise, de fait, tu n’as pas le droit à l’erreur. Et puis, les jours passent, et le stress s’éloigne pour laisser place au plaisir de vivre les accidents que cela implique, surtout avec ce personnage où tout ou presque passait par le corps et le visage, où les mots étaient superflus. Soit l’opposé du personnage d’Amours à la finlandaise. C’est exceptionnel pour une comédienne d’avoir la chance d’expérimenter deux rôles et films aux antipodes en aussi peu de temps.
Et où vous retrouvera t’on en 2024 ?
Je viens de tourner un film avec Bille August (Pelle le conquérant), Orenda. Une fois encore un monument donc ! Un film à trois personnages seulement sur la culpabilité, le pardon, les croyances, Dieu et le diable… Je savoure ma chance, je vous l’assure !
Amours à la finlandaise. De Selma Vilhunen. Avec Alma Pöysti, Eero Milonoff, Oona Airola… Durée 2h01. Sortie le 3 janvier 2023
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