Première
par Thomas Baurez
Un malentendu pré-cannois voulait que l’auteur de l’étrange Borders (2018) allait forcément nous plonger une nouvelle fois dans un bain fantastique. Le titre original faisait même monter la sauce en évoquant une araignée supposément sacrée (Holy spider). D’aucuns diront après avoir découvert ces Nuits de Mashhad que le caractère authentique de l’histoire racontée, suffit à rendre l’ensemble ahurissant. Soit en 2001 dans la ville Sainte de Mashhad en Iran, un père de famille se mue en tueur de prostituées pour « nettoyer » la société. Une société qui s’écharpera bientôt pour savoir si le type mérite la mort ou une médaille. Ali Abbasi ancre d’abord son film dans le genre du film de serial-killer classique : atmosphère poisseuse et nocturne, rue vide, bruit suspect, agression sauvage, bis repetita… Il offre rapidement à notre regard l’identité de l’assassin dont on va très vite embrasser le seul point de vue, d’où cet inconfort d’être les complices forcés du monstre. Le contre-champ s’opère avec l’arrivée d’une super-héroïne, une journaliste intrépide engagée dans cette lutte par professionnalisme et solidarité féminine. Rôle « payant » qui a valu à son interprète Zar Amir Ebrahimi, une consécration cannoise. L’actrice ayant fui l’Iran en 2008 pour une sombre affaire de sexe-tape, savait, peu ou prou de quoi elle parlait. Si tout apparaît un tantinet scolaire dans l’exécution jusqu’à un final trop didactique, Abbasi réussit toutefois à maintenir une pression permanente. C’est donc bien par son approche réaliste que le fantastique peut advenir.