Netflix date Blonde, le biopic de Marilyn Monroe, et partage ses premières images [vidéo]
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Le réalisateur Andrew Dominik signe un chef-d’œuvre, virtuose, violent et bouleversant.

C’est un cri de petite fille qui serre le cœur, et donne le la de ce maelstrom de près de trois heures. "Je ne suis pas une orpheline !", hurle la petite Norma Jeane, emmenée de force à l’orphelinat, parce que sa mère, malade, est devenue un danger pour elle. Et parce que son père reste une chimère, invisible, introuvable, légendaire. Elle finira par le rencontrer un jour, c’est sûr, ce merveilleux papa, daddy chéri. Peut-être multiplierait-elle ses chances d’attirer son attention en devenant l’actrice la plus célèbre du monde ? En attendant, Norma est seule et elle pleure… On a envie de la protéger, de la réconforter, comme ont eu envie de le faire les dizaines d’écrivains, d’artistes, de cinéastes, qui ont cherché depuis 1962 à percer le mystère Marilyn. Joyce Carol Oates, avec son roman Blonde, s’est approché du cœur de l’énigme. Le livre (pas une biographie, attention, mais "une « vie » radicalement distillée sous forme de fiction") a fasciné le réalisateur Andrew Dominik (L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford) au point qu’il a passé près de quinze ans de sa vie à essayer de le porter à l’écran – et de finalement y parvenir grâce à Netflix.

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Pour traduire la prose quasi-hallucinatoire de l’écrivaine, pour raconter cette identité déchirée, morcelée, en charpie, Dominik a conçu son film comme un kaléidoscope, ou plutôt un miroir brisé, une constellation d’images ne raccordant jamais vraiment les unes avec les autres, jouant sur l’iconographie de Marilyn, mais en la décadrant, en en révélant l’envers cauchemardesque, provoquant ainsi dans le même mouvement l’envoûtement et le malaise. Il opère des coupes brutales dans le déroulé biographique, zappe de la couleur au noir et blanc, joue sur les formats d’images, pirate la narration classique par des flashs fantasmagoriques, et s’enfonce progressivement en territoire lynchien, parano, désaxé. L’ombre de David Lynch plane ici, comme planait celle de Terrence Malick sur L’Assassinat de Jesse James – Andrew Dominik est un styliste suffisamment sûr de lui pour investir sans rougir les territoires esthétiques de ses cinéastes de chevet.

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Blonde est une odyssée violente dans les traumas de Marilyn, un chant d’amour à l’actrice, un conte sur l’enfance brisée, une plongée dans l’horreur hollywoodienne ordinaire, qui articule son récit autour d’un défilé de patrons de studio violeurs, de directeurs de casting libidineux, de réalisateurs méprisants, de spectateurs voraces, de photographes avides, qui tous s’arrachent et détruisent Marilyn – raccord en cela avec l’une des grandes tendances du cinéma américain contemporain, très occupé ces temps-ci à questionner les soubassements monstrueux du monde du spectacle (de Nightmare Alley à Nope en passant par Elvis, et en attendant le Babylon de Damien Chazelle). C’est un film radical, douloureux, qui fait parfois penser au Vénus noire de Kechiche, pour cette colère, cet acharnement à nous faire ressentir physiquement le calvaire de son héroïne. Portée par une Ana de Armas à couper le souffle, c’est l’une des œuvres les plus puissantes et émouvantes jamais dédiées à la blonde sacrifiée.

Blonde, réalisé par Andrew Dominik, avec Ana de Armas, Bobby Cannavale, Adrien Brody, Julianne Nicholson… Sur Netflix le 28 septembre.