La comédie également portée par Jennifer Aniston, Tomer Sisley et Will Poulter revient ce dimanche soir sur TF1, suivie par Ted 2.
Demandez à n’importe qui, en France, s’il connaît Jason Sudeikis. Au mieux, il vous lancera un regard circonspect et, au pire, il vous demandera s’il s’agit d’une marque de tzatziki. Pourtant, depuis le début des années 2010, il est dans tous les bons coups comiques du cinéma américain, du Bon à tirer des frères Farrelly, où il formait un binôme dément avec Owen Wilson, à Comment tuer son boss ?, de Seth Gordon, dans lequel il fomentait un plan pour occire son patron cocaïnomane incarné par Colin Farrell. Qu’il joue les banlieusards frustrés ou les employés de bureau martyrisés, Sudeikis s’est fait une spécialité de rendre les types ordinaires toujours un peu plus extra. La preuve une nouvelle fois avec Les Miller – Une famille en herbe, de Rawson Marshall Thurber, où il interprète un dealer contraint de faire la mule pour payer ses dettes. Sa solution pour ramener deux tonnes de marijuana du Mexique ? Engager sa voisine strip-teaseuse (Jennifer Aniston), le puceau du rez-de-chaussée (Will Poulter) et une ado fugueuse (Emma Roberts) pour jouer la famille idéale et dissuader les douaniers de fouiller leur camping-car rempli de drogue.
Des films multicolores
"J’aime le parcours de ce personnage, cette idée d’un type bien mais égoïste qui va apprendre à regarder un peu autre chose que son nombril", explique Sudeikis lorsqu’on lui demande ce qui l’a séduit dans ce nouveau long réalisé par l’auteur du sublimement demeuré DodgeBall. "Rawson et moi partageons énormément de références, poursuit l’acteur. Celle qui revenait le plus souvent pendant le tournage était Le Flic de Beverly Hills qui, au fond, fonctionne comme un drame, sauf qu’on y a parachuté le mec le plus drôle au monde. On cherchait un équilibre similaire avec Les Miller : il fallait faire marrer les gens, mais on voulait également que les spectateurs craignent pour la vie des personnages. Je préfère qu’un film ait plusieurs couleurs, comme Mes meilleures amies, où les actrices peuvent à la fois déféquer en pleine rue et vous émouvoir. J’aime quand un album contient des morceaux pour danser mais aussi des chansons que vous pourrez passer à votre cérémonie de mariage" À part ça, doit-on voir comme une coïncidence le fait qu’il soit toujours dans les parages dès que Jennifer Aniston joue les nymphomanes (Comment tuer son boss ?) ou les stripteaseuses ? "Vous savez comme moi que les coïncidences n’existent pas. C’est peut-être quelque chose qu’elle exige dans ses contrats sans me l’avoir dit. En tout cas, je ne vais certainement pas l’en dissuader !"
Une bonne grande gueule
Bien que son nom ne l’indique pas, Jason Sudeikis ("Ça se prononce “Sudèkis”, mais chacun peut le dire à sa façon, de la même manière qu’on peut interpréter les grandes oeuvres d’art"), 38 ans à la sortie du film, en 2013, a des origines irlandaises et allemandes. Lui se décrit simplement comme "un mec de gauche du Kansas", qu’il a quitté pour étudier la comédie à Chicago dans les années 90. Là, il se fait recruter par la troupe The Second City, véritable usine à champions de l’humour US (Bill Murray, Steve Carell et Tina Fey y ont fait leurs armes), ce qui lui permet de parcourir le pays et d’aiguiser son talent pour l’impro. En 2003, il rejoint le pool des scénaristes du Saturday Night Live et commence à apparaître dans des sketches avant d’intégrer l’équipe de manière permanente en 2006. Annoncé cet été, son départ n’a surpris personne, mais il laissera un vide significatif au sein d’une émission dont il était devenu un véritable pilier. Car s’il n’a jamais interprété ces personnages extravagants qui ont fait la renommée d’une Kristen Wiig ou d’un Will Ferrell et ont tendance à accélérer les migrations vers Hollywood, Sudeikis tenait au fond un rôle crucial dans le show. Souvent sollicité pour jouer les présentateurs télé, les flics ou les hommes politiques, génial lorsqu’il imitait le vice-président Joe Biden et le candidat républicain Mitt Romney pendant la dernière campagne électorale, l’acteur était celui qui ancrait le SNL dans l’actualité et assurait la pertinence du programme. Sa bonne (grande) gueule d’American boy, son arrogance toujours teintée d’ironie, sa faculté à incarner aussi bien le diable que Jimmy Stewart y faisaient mouche à chaque fois. Mais cet automne, pour la première fois depuis dix ans, il n’y fera pas sa rentrée. "C’est surtout au mois d’août que ça m’a fait bizarre, explique-t-il. Généralement, c’est le moment où on commence à avoir des idées de sketches pour la saison à venir. Il va désormais falloir que je trouve un moyen d’en faire des longs métrages." "Il faut savoir s’adapter lorsqu’on bosse au SNL, reprend Sudeikis. Chaque semaine, on doit composer avec un nouvel invité, de nouveaux accents, de nouvelles perruques..."
Le mec ennuyeux de la bande
C’est sans doute pour cette raison qu’il semble aujourd’hui à l’aise dans les diverses familles que compte la comédie américaine, à la télé (il est apparu dans les séries 30 Rock, Philadelphia et Kenny Powers) comme au cinéma. "Ça me touche que vous l’ayez remarqué, rougit-il quand on mentionne son côté tout-terrain. Je crois que ça vient surtout du fait que j’ai grandi avec des amis qui avaient des sens de l’humour très différents. Je les ai beaucoup observés... Moi, j’étais le mec ennuyeux de la bande." Difficile à croire. Mais Jason Sudeikis en a certainement gardé cette retenue qui le pousse à encenser ses partenaires dès qu’on tente de lui adresser un compliment et à systématiquement dévier la conversation vers les autres. Évoquez Bon à tirer et il se lance dans un monologue à la gloire d’Owen Wilson. "Sur le plateau, je ne regarde jamais le moniteur ni les rushes car je fais confiance aux metteurs en scène, raconte-t-il. Je suis récemment tombé sur Bon à tirer à la télé, et c’était la première fois que j’en voyais des images depuis la sortie du film. Ça m’a fait tout drôle de réaliser que je donnais la réplique à Owen, que je vénère depuis Bottle Rocket." Pareil à propos des frères Farrelly : "C’était surréaliste de tourner ce film avec eux car ils font partie de mes héros. Peter et Bobby forment une créature à deux têtes – ils partagent le même cerveau, la même sensibilité, mais Pete est le seul à posséder une bouche. (Rire.) Il n’arrêtait pas de louer ma performance sur le tournage. J’aime à penser que je l’avais mérité mais, en même temps, je crois qu’ils sont juste extrêmement sympas et bien élevés."
On n’arrivera décidément pas à lui faire bomber le torse. À moins que... En janvier dernier, Sudeikis et l’actrice Olivia Wilde ont annoncé leurs fiançailles. Peu de temps avant, cette dernière (le canon de Tron – L’Héritage, rappelons-le) avait confié son inquiétude de "ne pas être assez jolie pour lui". "C’est flatteur, s’amuse-t-il, mais c’est évidemment n’importe quoi. Quand les gens nous regardent, ils se demandent plutôt de quelles informations compromettantes je dispose sur elle pour avoir autant de chance. Faites le test : je suis sûr qu’ils pensent que je possède une vidéo d’elle en train de poser une bombe à la Maison-Blanche."
Mathieu Carratier
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