Kev Adams
Reynaud Julien/APS-Medias/ABACA

Juste avant qu’il n’ouvre le festival de l’Alpe d’Huez avec Maison de Retraite 2, on a attrapé Kev Adams par les moufles pour parler de son film et de son statut dans la comédie française.

Kev, la dernière fois que vous êtes venu à l’Alpe d’Huez, vous étiez en compétition. Là vous faites l’ouverture. C’est le signe que vous avez franchi un échelon dans l’industrie de la comédie ? 
L’Alpe d’Huez, c'est une grande fierté. Ce festival est à la comédie ce que Cannes est au cinéma d'art et d'essai. Tu me parles de l’industrie, mais si je regarde en arrière, il se trouve que j’ai mis du temps pour intégrer le sérail. J'ai commencé à faire des films en 2013. Et jusqu’à Maison de Retraite, en 2022, aucun n’avait été sélectionné ici. Dieu sait qu'on en a envoyé pourtant ! Ça voulait juste pas… Quand Maison de Retraite a été pris en compétition j’étais super fier. 

Mais vous êtes reparti bredouille… 
Oui et je suis un compétiteur donc j’étais un peu dégouté. Mais on a été très très proche de remporter le prix du public. Quand l’équipe du festival nous a proposé de faire l'ouverture cette année, j’ai dit oui ! C'est une place événementielle, honorifique même, souvent prise par Philippe Lachaud. 

Honorifique, mais un peu tardif donc, c’est ça ?   
Dans ce métier y en a mille des reconnaissances. Avant l’Alpe, j'en ai eu plein d’autres, et des trucs dont je rêvais gamin. Le musée Grévin, le Téléthon… OK, c’est tardif, mais ça fait plaisir et surtout, peut-être parce que ça a pris du temps, j’ai l’impression de l’avoir mérité… 

Entre temps, votre carrière a changé. Avant vous étiez abonné aux blockbusters comiques comme les Aladdin. Mais depuis quelques années, on vous voit dans des projets plus humbles - les deux Maison de Retraite
Ce sont des films totalement différents et je les assume en tant que tel. J'ai pas écrit les Aladdin. J'ai pris un plaisir fou à les jouer mais ça me ressemble moins. Je ne regrette rien, au contraire. Me retrouver à faire du tapis volant en sarouel et faire un score au-dessus du Disney, à l’époque c'était dingue. Avec Maison de retraite, pour la première fois on me donnait l'opportunité de co-écrire un film. Et quand t’es au scénario, quand t’es face à la page blanche, quand on t’apprend les mécaniques d’écriture… ça change tout. Surtout, j’ai réalisé à ce moment-là, que la comédie que je voulais faire c’était celle qui fait rire et réfléchir. Sans excès je te rassure, je ne donne pas dans la comédie d'auteur, loin de là. Ça reste populaire ! 


 

Pendant des années, vous rêviez d’être une figure incontournable de la comédie. J’ai l’impression que ça aussi ça a changé. Vous vous voyez où dans l’industrie ? 
Ma place dans l’industrie, on s’en fout un peu non ? J'essaye de faire des projets qui me plaisent sans me poser trop de questions. En essayant de pas en faire trop. Le grand mal de notre époque, c'est la volonté de faire trop de cinéma. Je vois arriver beaucoup de mes confrères avec la volonté d’enchaîner les films. Je comprends : on a tellement rêvé de cette place que, quand on y est, on veut en profiter. Je ne juge pas, mais je crois que le cinéma, c'est aussi cool quand c'est rare. Et comme c'est un rêve, j'essaye désormais de me limiter à un film, voire deux max par an. Et je m’oriente vers d'autres univers. Ça va prendre du temps et c’est tant mieux. C'est comme l’Alpe : si c'est trop facile, c'est pas drôle. Aujourd’hui, j'ai d'autres envies d'écriture, je bosse sur des thrillers, des films plus noirs. Il n’y a pas si longtemps, certaines critiques disaient : « Il fera pas long feu dans le cinéma, il est cramé… ». Je suis toujours là, on ouvre l’Alpe, c'est une victoire ! À moi de proposer des choses nouvelles et de surprendre. Le métier comme le public. 

Comment avez-vous casté vos nouveaux « expendables » ? 
Franchement ? Très naturellement, au fur et à mesure des rencontres, selon les affinités. J'ai rencontré Chantal Ladesou dans une émission de télé et je me suis tellement bien entendu avec elle que je lui ai proposé direct. Elle est en train de prendre une place à part dans la comédie française. On aime ce genre de personnages-là en France, ces acteurs qui sont faciles à imiter, qui ont un truc naturel, fort, puissant, drôle. 

Et Macias ? 
Ah ça c’est une histoire dingue. C'est le chanteur préféré, ma grand-mère. Mais quand je te dis chanteur préféré, c'est à un niveau difficile à croire. Il y a quelques temps, je lui ai demandé ce qu’elle voulait pour son anniv et elle m’a répondu que son rêve c’était d’aller au concert d'Enrico. Je connais son petit-fils, alors on a discuté et je lui ai demandé s’il était possible de faire mieux que le concert. Qu’il vienne à la maison pour son anniv par exemple. Et c’est ce qu’il a fait : un concert privé pour ma grand-mère. Génial, très pro, très cool. En sortant de là, il me dit qu’il a adoré Maison de retraite et qu’il aimerait bien jouer dans la suite. Au fur et à mesure de la discussion je comprends qu'il n'a même pas vu le film et qu’il mythonne total pour essayer de péter un rôle dans la suite ! Et tu sais quoi : ça m'a touché. C’est le Enrico qu’on imagine…

GALERIE
Apollo Films

Mais l’arme fatale du film, c’est Jean Reno. 
À la base, il y a le personnage réel de Lorenzo. On l’a rencontré en maison de retraite à Arles.  Je croise ce gars assez dingue qui, le premier jour nous raconte une histoire de ouf. Il a été cuisinier de l’Elysée pendant 21 ans. Il a vu tout le monde passer, de Pompidou à Mitterrand, il connaissait leurs plats préférés, leurs secrets. Le mec est fascinant et je me dis qu’on a un personnage génial pour la suite. Le lendemain j'y retourne, je le vois et quand je lui parle des ministres, il me dit : « Mais de quoi vous me parlez monsieur ? Je n’ai jamais été cuisinier, j'ai été pilote de ligne chez Air France pendant 30 ans ». J’hallucine, je me demande si c’est pas moi qui suis devenu totalement dingue. Mais je reviens le voir, régulièrement et en y allant plusieurs jours d'affilée le mec me raconte à chaque fois une autre histoire. Je trouve ça fascinant. Un jour il a été agent secret, le surlendemain, c'est le premier à avoir traversé la transatlantique à la nage… jusqu’à ce qu’un infirmier m’explique que ce type a été DRH pendant 30 ans, et que, quand il a perdu sa femme, il s'est mis à s’inventer des life. C'est sa manière à lui de vivre son deuil. Je trouve ça bouleversant. Et c'est comme ça qu'on écrit le personnage de Lorenzo en se disant que ce serait un patriarche génial pour ce deuxième film. 

Mais quel est le rapport avec Reno ? 
Très vite, c’est lui que j’ai en tête. Je rencontre Jean une première fois à Paris mais il ne se passe rien… Il aime ce que je fais, mais ça ne va pas plus loin. Mon agent me dit qu’il faut plus, que je le séduise. Et séduire dans un café à Paris en deux heures, ça n’existe pas. Alors je vais chez lui, à New York. Je rencontre ses enfants, son épouse. Et je lui lis le script avec mes intentions, avec le message. Et je vois qu’il s’allume un peu. À la fin, il me dit « OK ». Je rentre de New York heureux, j’enchaine immédiatement avec un spectacle et au moment de monter sur scène, mon portable sonne. Jean Reno : « Je trouve que t'es un garçon à la tête bien faite et t’as plein d'ambition. Je suis sûr qu'on se retrouvera mais sur ce coup, je ne vais pas y aller. » La douche froide. Retour à zéro. Je t'avoue qu'on a envisagé d'autres personnes - Alain Delon notamment. Mais très vite on a bloqué. Il fallait quelqu’un de crédible dans le rôle de ce type qui s’invente des vies… Et on n’avait personne. Et puis un jour, mon agent – qui est aussi le sien – lui envoie Maison de Retraite. Il l’a regardé, et m’a appelé juste après. Il a eu des mots exceptionnels. « Il y a des trucs que j’aime, d’autre que j’aime moins. Mais peu importe. Ce qui compte, c’est que tu te moques jamais des gens. Y a un respect des anciens. Allez, tu sais quoi : je vais te donner ta chance ». C’était ouf. Non seulement il avait compris l’esprit du film, mais en plus j’avais Jean Reno dans Maison de Retraite 2. Avec ça, il pouvait rien m’arriver (Rires). 

Maison de retraite 2, le 14 février au cinéma.

Maison de retraite 2 ouvre en fanfare le festival de L'Alpe d'Huez