L'Etrangleur de Boston
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Revenant, 55 ans après le classique de Richard Fleischer, sur l’affaire du Boston Strangler, Matt Ruskin lorgne vers David Fincher, de façon trop appliquée.

Avant L’Etrangleur de Boston, il y avait L’Etrangleur de Boston : un classique de Richard Fleischer sorti en 1968, avec Tony Curtis dans le rôle du serial killer Albert DeSalvo (qui avait terrorisé la ville de Boston au début des années soixante en s’introduisant chez des femmes seules pour les tuer), Henry Fonda en super flic acharné à faire éclater la vérité, et une utilisation révolutionnaire du split-screen. Un film passionnant que cette nouvelle version portant presque exactement le même titre (en VO, c’est Boston Strangler, pas The Boston Strangler, nuance), ne cherche pas tant à effacer qu’à amender, en rappelant le rôle essentiel joué dans l’enquête par deux femmes journalistes qui bossaient pour un journal local, Loretta McLaughlin et Jean Cole (Keira Knightley et Carrie Coon), à une époque où les rédacteurs en chef préféraient voir des femmes chroniquer des grille-pain pour la rubrique « lifestyle » plutôt qu'arpenter la ville à la recherche d’un tueur fou. True crime mêlé au récit d’un empowerment féminin, le film arrive dans la foulée de She Said (sur l’enquête du New York Times sur Weinstein signée Megan Twohey et Jodi Kantor), avec lequel il forme un double programme thématique très cohérent.

Les amateurs du Richard Fleischer réaliseront en tout cas devant cet Etrangleur millésime 2023 que l’affaire du "Boston Strangler" était bien plus complexe et tortueuse que ce que voulait bien raconter le film de 68. Le tournage du Fleischer est d’ailleurs incorporé au récit de cette nouvelle version (avec Alessandro Nivola dans le rôle du flic qui a inspiré le personnage d’Henry Fonda), d’une façon assez similaire à celle dont David Fincher citait L’Inspecteur Harry dans Zodiac (avec Mark Ruffalo dans le rôle du flic qui avait inspiré le personnage de Clint Eastwood). Il s’agit, comme chez Fincher, de faire la part entre les fantasmes propagés par le cinéma à l’époque et la réalité d’un fait divers qu’on peut aujourd’hui examiner avec suffisamment de recul.

L'Étrangleur de Boston
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Le réalisateur Matt Ruskin déploie donc, en tout logique, tout un arsenal de trucs "fincheriens" : scènes de meurtre dépeintes avec une froideur d’entomologiste, vérité qui s’échappe un peu plus à chaque fois qu’on fait un pas vers elle, vie privée des héroïnes qui fout le camp en même temps que la ville part en vrilles parano… Il y a presque ici un geste de copycat (ces serial killers qui s’inspirent des comportements d’autres tueurs en séries), ce qui a du sens au regard de l’affaire elle-même… Mais Ruskin ne pousse pas très loin ce qui aurait pu être un vrai vertige théorique (faire un film de serial killer singeant le maître du film de serial killer) et signe un pastiche appliqué, scolaire, modeste, qui ressemble moins au nouveau Zodiac qu’à un bon épisode inédit (solide, sans génie) de Mindhunter.

L’Etrangleur de Boston, de Matt Ruskin, avec Keira Knightley, Carrie Coon, Chris Cooper… Sur Disney +