Pour Netflix, le comédien double un animal éducatif âgé, qui s'improvise professeur-psy d'enfants en mal de leçons de vie.
Depuis son deal avec Netflix autour de The Ridiculous 6, en 2016, Adam Sandler est capable du pire (ce western était particulièrement lourdingue) comme du meilleur chez eux (The Meyerowitz Stories de Noah Baumbach, Uncut Gems, des frères Safdie, tous les deux acclamés pour leur justesse). Leo, qu'il a co-écrit, et dont il double le personnage principal, est un bon "film du milieu", sans cesse le cul entre deux chaises. Ou plutôt entre les deux spectres de l'acteur : son goût pour l'humour potache et son envie de raconter des choses pertinentes sur le monde d'aujourd'hui.
Uncut Gems : un polar brillant à voir sur Neflix [critique]En imaginant l'histoire de ce lézard en fin de vie ayant grandi dans une salle de classe (précisément de CM2) avec Robert Smigel, son partenaire d'écriture du SNL, via son studio de production Happy Madison (déjà derrière l'étrange Eight Crazy Nights), Sandler s'offre un rôle indéniablement original. Et s'amuse au moins autant à le doubler que son papa Dracula d'Hôtel Transylvanie.
En 74 ans d'observation, le petit animal a acquis assez d'expérience pour être de bon conseil quand ses habitudes sont chamboulées et qu'il se fait adopter par les élèves à tour de rôle, le temps d'une nuit. Ayant appris à parler à force d'assister aux cours, il s'avère capable de les aider... en musique. Une succession de leçons de vie vont alors se succéder, rappelant un peu les sorts cruels réservés aux enfants dans Charlie et la Chocolaterie.
Son concept laissait espérer une critique acerbe de l'éducation actuelle et Leo y parvient, parfois, en montrant par exemple l'un des enfants surprotégé par ses parents au point d'être sans cesse surveillé par un drone dépressif (coucou Marvin de H2G2, modèle inoubliable des IA trop intelligentes pour être heureuses !). Il y a également une fillette aussi accro aux smartphones que ses géniteurs ou la petite Summer, moulin à paroles qui va découvrir qu'en se taisant et en écoutant les autres, elle saura gagner en popularité. Adam Sandler a d'ailleurs transformé ce film d'animation en histoire de famille en demandant à ses propres filles de doubler les deux fillettes les plus mémorables de la classe.
Dommage que ces quelques bonnes idées soient noyées entre deux vannes grasses (son pote de vivarium, une vieille tortue blasée à la voix de Bill Burr, multiplie les blagues de fesses) ou que les chansons, clairement inspirées par les compos de Stephen Sondheim et Jonathan Larson (célèbre pour Rent, dont le parcours est raconté avec brio dans Tick, Tick... Boom, sur la même plateforme) ne soient jamais mémorables, trop expédiées pour vraiment marquer. Cela fait d'ailleurs l'objet d'une auto-critique lorsque l'un des morceaux musicaux est coupé en plein milieu tant tout le monde s'en fiche. Les créateurs du film ont conscience des limites de l'exercice, et sont capables de jouer avec, mais le fait est qu'à la fin du film, on aura oublié toutes les chansons. Au moins, à l'inverse de "Libérée délivrée", elles ne seront pas répétées en boucle et à tue-tête par les petits spectateurs, c'est déjà ça !
Sur la forme, les designs de Léo sont globalement réussis, et les changements de style d'animation toujours justifiés. A défaut d'être innovants. Déjà, sur Netflix, Les Mitchell contre les Machines avait bluffé le public sur ce terrain. En arrivant après avec un résultat moins peaufiné -surtout dans les scènes de foule et en mouvement rapides, les effets paraissent parfois fouillis-, il peine à impressionner.
Mais c'est surtout sur le fond que Léo est un film frustrant, tant on voit ce qu'il aurait pu être en étant davantage réfléchi. Pourquoi étaler son récit sur près de 2h ? Multiplier les personnages et les rebondissements sous peine de tomber dans les clichés ? Continuer d'enchaîner les dialogues à toute vitesse alors même que ce travers avait été dénoncé via la leçon apprise par la petite Summer ? Citer à tout va des références jusqu'à se répéter -on suppose que la filiation avec Toy Story ou E.T. est pleinement assumée, vu qu'on en entend parler à plusieurs reprises- ? Malgré son concept prometteur, Léo devient rapidement épuisant.
Sans compter qu'on ne sait jamais bien à qui il s'adresse : aux enfants, en se moquant de leurs parents incapables de les élever sans leur transmettre leurs névroses ? Aux aînés, qui comprendront bien les messages "cachés" mais ne seront pas pour autant divertis par cette avalanche de blagues tour à tour trop adultes ou enfantines ? On aurait aimé être pleinement conquis par ce film qui tient à délivrer de jolis messages (n'ayez pas peur de grandir, d'explorer le monde au-delà de votre terrarium, de mettre des mots sur vos maux...), mais qui finit par être si abrutissant qu'on en sort dans le même état que les bambins de maternelle, dépeints comme de véritables piranhas surexcités, incapables de se concentrer sur quoi que ce soit. Paradoxalement, cette vanne, la plus efficace de Léo, illustre parfaitement ses principaux défauts.
Adam Sandler a arrêté de lire les critiques dès 1995 !
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