Marlène Jobert au Festival Lumière
Festival Lumière/Abaca

L'actrice du Passager de la pluie est revenue sur sa vie et sa carrière lors d'une rencontre avec le public du Festival Lumière 2022.

"A l’étranger, je suis 'Eva Green’s mother'" : Marlène Jobert a prononcé cette phrase vers la fin de la masterclass qui lui était consacrée, jeudi 20 octobre, au Festival Lumière de Lyon, quand on lui parlait de la carrière d'actrice de sa fille. Elle s'est aussi souvenu de sa réaction quand Eva lui a dit qu'elle voulait travailler dans le cinéma, peut-être en tant qu'actrice, sûrement réalisatrice : "Ouh là là, j’étais pas contente… Elle très sensible, très vulnérable, très timide, elle va souffrir. On dirait pas, hein, quand on voit ses films !" Mais, contrairement à ceux de l'étranger, impossible pour nous de résumer Marlène Jobert à sa (célèbre) fille, qui a joué une James Bond Girl, une reine pour Ridley Scott et plusieurs fois pour Tim Burton (d'ailleurs invité d'honneur de Lumière 2022).

Marlène Jobert, 81 ans, a commencé sa carrière au cinéma pour Jean-Luc Godard en 1966 dans Masculin féminin. Elle était monté à Paris pour faire du théâtre : Au Conservatoire, elle a déjà des envies de tragédie, mais "parce que j’avais des couettes rousses et des taches de rousseur, le metteur en scène Robert Manuel ne voulait que je ne fasse que des rôles de soubrette légère", comme elle s'en est rappelé. Mais cette masterclass -même si Thierry Frémaux, directeur de l'Institut Lumière, insiste pour que l'on parle plutôt de rencontre- était surtout orienté sur les hommes qu'elle a croisé durant sa carrière. Des hommes d'influence : d'abord son compagnon Claude Berri avec qui elle a eu un accident de voiture mais qui lui fait rencontrer Simone Signoret, puis Yves Montand avec qui elle joue au théâtre. Ensuite Philippe Noiret, avec qui elle tourne Alexandre le bienheureux : "on parlait de moi pour la première fois, tous les journalistes venaient, on ne parlait que de moi… Noiret l’a mal pris. Ça ne s’est pas bien passé" 'ils se réconcilieront sur Le Secret (1974) de Robert Enrico). Charles Bronson dans Le Passager de la pluie : "Charles Bronson ne parlait pas un mot de français, étranger à notre langue, à notre façon de fonctionner. (…) il restait dans son coin, avec ses yeux de panthère qui se demande si ça valait le coup de vous bouffer." Vingt ans après, ils se revoient quand il reçoit le César d’honneur. "On est tombés dans les bras l’un de l’autre." Avec Ventura, dans Dernier domicile connu, c’était plus facile de bosser avec lui qu’avec Bronson, car "au moins, lui, il parlait français."

Avec Belmondo, dans Les Mariés de l'an II de Rappeneau, elle se souvient d'un loupé : "Jean-Paul Belmondo avait un secrétaire qui avait foutu la pagaille sur le tournage. Il faisait tout pour que je ne l’approche pas", a-t-elle expliqué. "Voilà comment j’ai raté Jean-Paul." Sur le tournage de La Décade prodigieuse, avec Michel Piccoli, Anthony Perkins et Orson Welles, Claude Chabrol fête son anniversaire (très arrosé) et se permet de dire à Welles : "tu sais pourquoi je l’ai choisie, la petite ? Parce que tous ses films sont des succès". Conclusion de Jobert : "il avait dû picoler." Et puis la violence du tournage de Nous ne viellirons pas ensemble de Maurice Pialat avec Jean Yanne, où les deux hommes ne tiennent pas une semaine avant de s'engueuler pour ne plus jamais s'adresser la parole. Et Marlène Jobert est entre les deux. "Je voulais faire un cinéma moins évident, plus couillu, si l’on peut dire. (…) Pialat avant un talent fou, mais un caractère… détestable. Mais il pouvait être très attachant. Au bout d’une semaine, je servais d’intermédiaire entre Pialat et Jean Yanne : "va dire à ce malade que je ne dirais pas sa réplique de débile." Pareil dans l’autre sens : "va lui dire que s’il ne dit pas sa réplique j’arrête."

Des hommes, partout, et avec tout ça, il restait quand même de la place pour elle, dans cette recontre, quand elle expliquait avoir arrêté le cinéma au tournant des années 90 (son dernier film, Les cigognes n'en font qu'à leur tête de Didier Kaminka, est sorti en 1989, depuis elle n'a fait que quelques téléfilms) pour s'occuper de ses filles et trouver un nouveau rôle : celui de conteuse. Elle récite des histoires inventées sur fond de musique classique, et se trouve sa propre voie. "J’ai arrêté le cinéma parce que je n’arrivais pas à être une mère attentive… Je n’arrivais pas à tout faire", dit-elle. "Alors j’ai découvert l’art du conte, j’ai commencé à en inventer pour mes filles". Dont Eva, bien sûr, à l'époque simplement "Marlène Jobert's daughter".

Festival Lumière : coup de projecteur sur Louis Malle, un réalisateur à réévaluer