Fun et chaotique, le début de Suicide Squad est très réussi. Après, tout s'effondre.
Suicide Squad, le blockbuster du DC Universe de la Warner Bros. sorti au cinéma en 2016, revient en clair en fin de week-end suivi d'une autre super-production, mais de Sony, cette fois : Morbius. Malheureusement, ce sont loin d'être des adaptations de comics très réussies...
Attention, cette critique comporte nécessairement quelques spoilers. Les personnes allergiques sont priées de prendre leurs précautions.
Au départ, tout va bien. Les trente premières minutes de Suicide Squad sont consacrées à la présentation des membres de l'équipe. Des criminels plus ou moins tarés, du sniper tueur à gages à l'homme-crocodile, forcés de se mettre au service du gouvernement. Succession de vignettes barrées et brouillonnes, gravitant autour d'une super-prison pour super-méchants, grouillant à l'ombre de Batman et Superman en mode playlist.
Chaque apparition de personnage possédant sa propre chanson, de "Sympathy of the Devil" à "Fortunate Son". C'est fun, c'est léger, ça marche formidablement bien parce que ça ne se prend réellement jamais au sérieux. C'est à mettre au crédit du film de ne jamais jouer la carte du cool forcé à la Gardiens de la Galaxie (notons la présence de "Spirit in the Sky" dans la bande sonore comme chez James Gunn) ou de la vacherie méta façon Deadpool. Le réalisateur David Ayer n'est pas un petit malin, il croit sincèrement en ses personnages. Même lorsque ceux-ci relèvent de la caricature sexiste comme Harley Quinn, réduite à une stripper en culotte moulante qui réclame d'être maltraitée... Heureusement pour elle, son interprète Margot Robbie a eu l'occasion de se rattraper avec The Suicide Squad, de Gunn, et son propre film Birds of Prey.
L'enjeu le plus important du film (lire : l'enjeu mis en avant par la promo) était le Joker de Jared Leto. Il est réduit à l'arrière-plan, celui d'un gangsta cartoonesque et hystérique pas très palpitant. Et ses rares apparitions sans enjeu permettent au rôle du Joker d'être désormais débarrassé de l'ombre écrasante d'Heath Ledger.
Après cette performance pas terrible de Leto (ici plus proche de Jim Carrey dans Batman Forever, ce qui n'est pas un reproche), la voie est de nouveau libre pour réinventer le méchant le plus iconique du monde. En parlant de réinvention, Will Smith trouve ici un job parfaitement à sa mesure en tireur d'élite papounet, cool sans effort, présent sans trop écraser les autres, tous d'ailleurs au diapason de leurs personnages de sous-superhéros (mention spéciale à Jai Courtney en clodo australien) chaotiques.
Notre interview avec le Suicide Squad au complet : Jared Leto, Will Smith, Margot Robbie...
Mais le chaos ne survit pas à la présence de l'ordre et dès que Suicide Squad se met à avoir dans sa deuxième partie un semblant de direction, tout s'effondre. Paradoxalement.
Au milieu du film, dès que les membres du Squad se rassemblent pour affronter une menace terrifiante et surhumaine, il y a un moment de flottement où nos antihéros se demandent ce qu'ils foutent là, au fond. Avant de se laisser convaincre et de partir fleur au fusil accomplir leur mission. Le film enchaîne alors les clichés scénaristiques les plus patauds et s'abîme dans une scène finale consternante, aux confins du nanar.
Confronté au choix -se laisser porter par le chaos ou obéir à l'ordre- Suicide Squad a finalement choisi l'ordre sans avoir la vision et l'ambition de Batman V Superman. C'était le sens profond des faux films de groupes du réalisateur, Sabotage et Fury : la camaraderie virile n'existe pas, le groupe est une entité viciée et violente, la survie passe par l'individualisme. Dans Suicide Squad ces gentils superméchants vraiment bisounours deviennent les meilleurs copains du monde. C'est le premier film d'Ayer où le groupe fonctionne. La morale est à peu près sauve. Pas le cinéma.
Il y a peut-être, à l'instar de L'Aube de la justice, un autre film derrière le ratage de Suicide Squad, le nombre d'images manquantes entre les très nombreuses bandes-annonces et le produit fini attestant d'un matériau initial conséquent qui a disparu. Le DVD du très mauvais Sabotage comportait trois fins très différentes dont la meilleure n'était pas celle du montage cinéma. Peut-être un jour verrons-nous en DVD la version chaotique et morcelée de Suicide Squad, celle qui n'essaie pas de se soumettre à l'ordre, de se prendre pour un film de superhéros comme les autres ?
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