Le classique multi- Césarisé de François Truffaut est à l’honneur ce soir de Place au cinéma, sur France 5, présenté par Dominique Besnehard
Un film en réponse à deux échecs
Le Dernier métro met en scène un théâtre parisien pendant la seconde guerre mondiale. Un théâtre dont le directeur a dû fuir parce que juif et dont la femme qui en a repris la direction, s’apprête à jouer dans une pièce qui se fera descendre par le critique collabo le plus virulent de l’époque. Si son tournage débute au cœur de l’année 1979, cela faisait des années que François Truffaut avait en tête l’idée d’un grand film sur l’Occupation. Et ce suite à un double choc, intime et artistique. La découverte à la toute fin des années 60 de ses origines paternelles juives (alors qu’il est né de père inconnu) et peu après de l’immense documentaire de Marcel Ophüls, Le Chagrin et la pitié, qui racontait le quotidien de Clermont- Ferrand pendant cette tragique période. Déçu par les échecs publics de ses deux films précédents, La Chambre verte et L’Amour en fuite, il va rebondir en développant - avec la fidèle Suzanne Schiffman à la co- écriture - un récit racontant l’envers de la création théâtrale comme il avait pu le faire pour le monde du cinéma dans La Nuit américaine. Un film ambitieux en termes de reconstitution historique pour laquelle il sera le premier cinéaste à aller démarcher une chaîne de télévision (en l’occurrence TF1) afin qu’elle participe au financement.
Un film sous (multiples) influences
La trame du Dernier métro s’appuie sur une histoire vraie. Celle vécue sous l’Occupation par la danseuse Margaret Kelly (créatrice de la troupe des Bluebell Girls au Lido) et son mari juif, le pianiste Marcel Leibovici qui, après avoir été arrêté et interné dans un camp, avait réussi à s’enfuir pour se cacher, avec la complicité de sa femme, à Paris sans que la police française ne réussisse à remettre la main sur lui. Mais le couple Kelly- Leibovici ne fut pas la seule source d’inspiration de Truffaut pour l’occasion. La pièce de théâtre Carola de Jean Renoir (adaptée à la télé américaine en 1973 avec Leslie Caron et Mel Ferrer dans les rôles principaux) joua un rôle majeur. Tout comme certains événements marquants de l’histoire artistique parisienne pendant l’Occupation comme les déboires de Sacha Gitry ou une vive altercation entre Jean Marais et le critique de Je suis partout, Alain Laubreaux, suite à de violents mots de sa part contre une pièce de Jean Cocteau. Et le cinéaste s’auto- cite aussi en clin d’œil : les mots d’amour de la pièce que jouent Catherine Deneuve et Gérard Depardieu sur scène sont issus de sa Sirène du Mississipi.
Le co- recordman des César
François Truffaut a mis plus de quatre mois à finaliser le montage du Dernier métro et, en grand angoissé, il était certain que le film ferait un flop spectaculaire. Il n’en a évidemment rien été. Non content de réunir plus de 3,5 millions de spectateurs en 1980, il remportera même l’année suivante pas moins de dix César. Un record jamais battu jusque là et uniquement égalé depuis par le Cyrano de Bergerac de Jean- Paul Rappeneau. En remerciement, Truffaut écrira une lettre à Georges Cravenne, le créateur des César, pour lui expliquer que cette salve de trophées a boosté la carrière planétaire de son film et le remercier « pour cette cérémonie qui fait honneur au cinéma français. » Publiée dans l’hebdomadaire professionnel Le Film Français, cette missive va changer l’image des professionnels sur les César. Une majeure partie d’entre eux la boudait jusque là. Elle sera désormais un passage quasi- obligé pour les artistes nommés.
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