Pour 5ème set, son premier film en solo, Quentin Reynaud met en scène un champion de tennis qui, sans avoir atteint les sommets promis dans sa jeunesse, peine à raccrocher. Un film vécu dans la tête et le corps de son héros, dont il nous raconte les coulisses.
Cet article est paru à l’origine dans la rubrique « Mode d’emploi » du numéro 513 de Première. Nous le repartageons à l'occasion de la diffusion du film, ce soir sur Canal +.
En connaissant le sujet de l’intérieur
5ème set met en scène Thomas, un tennisman de 37 ans qui ne peut se résoudre à raccrocher. Cette idée, Quentin Reynaud – qui a joué au tennis à un bon niveau – la porte en lui depuis longtemps, bien avant Paris Willouby, son premier long coréalisé avec Arthur Delaire en 2015. "Je trouvais que les films parlant de tennis n’abordaient jamais vraiment les problématiques physiques et psychologiques de ce sport. Il sert surtout de toile de fond, que ce soit dans Match Point, Terre battue et même Borg/McEnroe. Je voulais me concentrer sur ce qui se passe dans la tête d’un champion de tennis, le sport le plus violent après les sports de combat." Montrer les coulisses en utilisant sa connaissance du jeu et des joueurs. "Je me suis appuyé sur la mythologie du tennis à travers ces champions à la longévité record comme Jimmy Connors. Mais aussi sur des amis proches qui avaient le niveau pour aller haut et qui n’y sont jamais parvenus."
5ème Set : un beau film sur un champion de tennis en fin de carrière [critique]En trouvant l’acteur capable de se fondre dans le personnage
Se pose ensuite la question de l’interprétation. Avec un obstacle identifié dès le départ. "Je savais qu’aucun acteur n’aurait le niveau de tennis nécessaire à ce rôle et que je ferais appel à une doublure pour les plans larges. Mais, en plan serré, j’avais besoin d’un comédien crédible dans les gestes du tennisman : sa manière d’attraper sa serviette, de marcher, de boire, de se lever de sa chaise..." Son choix s’est porté sur Alex Lutz, déjà présent dans Paris Willouby, sans pour autant avoir écrit le rôle pour lui. "On s’est croisés par hasard dans un train, le lendemain de son César. On a évoqué nos projets. Il m’a demandé à lire 5ème set." Très vite, Lutz le rappelle et leur discussion convainc instantanément Reynaud. "Il avait vu dans le scénario des choses qui m’avaient échappé. Je n’avais aucun doute sur son niveau d’investissement. Et il a cette nostalgie dans son visage émacié à la Buster Keaton qui le rend instantanément crédible en vieux joueur."
En étant obsédé par la crédibilité
5ème set fait partie de ces films sur le fil. Un détail à côté de la plaque suffit pour que tout s’effondre. Mais Quentin Reynaud n’a rien laissé passer. À commencer par la manière dont il filme Alex Lutz sur le court. "Par son travail avec un coach quatre heures par jour pendant quatre mois, je savais qu’il serait crédible quand on le filmerait au-dessus de l’épaule. C’est tout ce qui m’intéressait. Pas que toutes les balles qu’il frappe soient bonnes. Je n’avais besoin que de deux ou trois plans de lui jouant de face." Pour le reste, il fait appel à une doublure, le tennisman Frédéric Petitjean, conseillé par un ami pour sa ressemblance physique avec Lutz.
En tournant à Roland-Garros
Jamais Roland-Garros n’avait accueilli le tournage d’une fiction. "Pour se couvrir, on est allés repérer des solutions de remplacement à Madrid, en Italie ou en Roumanie. Mais rien n’aurait pu avoir la puissance de Roland." Quand Reynaud pose sa candidature, il sent de la réticence. Mais le président de la Fédération fran- çaise de tennis, Bernard Giudicelli, finit par lui accorder son feu vert. "J’ai été clair sur le fait que 5ème set ne serait une pub ni pour le tennis ni pour Roland-Garros. Que j’allais montrer le côté âpre, les blessures, les soucis d’argent et les injustices inhérents à ce métier. Mais il a compris l’honnêteté du projet." Au final, Roland-Garros constitue un personnage à part entière.
En offrant au spectateur un "véritable" match de tennis
5ème set se termine par un match à Roland-Garros entre Thomas et un jeune adversaire. "C’est la première scène que j’ai écrite. Je voulais tout particulièrement offrir cette expérience d’un ultime jeu en direct. Huit minutes commentées comme à la télé par Lionel Chamoulaud et un consultant, Arnaud Di Pasquale, dans les conditions du direct." Ce final marque une rupture dans la réalisation de Reynaud qui dope son récit. "Le concept général de ma mise en scène était d’inviter le spectateur sur le court. Tous les matchs sont donc filmés à l’épaule. Mon chef opérateur Vincent Mathias (Au revoir là-haut) portait même une protection pour que les joueurs puissent frapper sur lui et qu’on sente la vibration. Mais pour le dernier jeu, on entre dans une mise en scène télévisuelle. J’ai filmé depuis la tribune en longues focales." Un jeu en 21 points, "en référence à celui, mythique, entre Andre Agassi et Marcos Baghdatis à l’US Open 2006" et 100 % chorégraphié. "J’avais relevé toutes les séquences et une fois Jürgen Briand (le tennisman qui joue l’adversaire de Thomas) et Frédéric Petitjean sur le court, le coach d’Alex les annonçait (service à droite, montée au filet, passing-shot...) pour qu’ils jouent les coups." Puis, dans la nuit, Reynaud a fait un montage des points pour que, le lendemain, sur le même court et à la même heure (pour des questions de lumière), il puisse filmer les déplacements de Lutz courant d’un endroit à un autre. Le tout avec une fluidité qui symbolise celle d’un film pointilleux mais jamais excluant pour le néophyte.
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