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La Palme d'or était amplement méritée.

Mise à jour du samedi 24 mai : Sommeil d'Hiver vient de remporter la Palme d'or. Devant Dolan, les frères Dardennes (qu'on donnait aussi favoris) et Bennett Miller. Après avoir remporté le Grand Prix du festival de Cannes 2003 pour Uzak, le prix de la mise en scène en 2008 pour Les Trois Singes et le Grand Prix en 2011 pour Il était une fois en Anatolie, il s'impose définitivement comme un cinéaste majeur avec ce prix suprême.  

Evidemment, avec son titre risqué (Sommeil d’hiver) et sa durée hors norme (3H16), le dernier film de Nuri Bilge Ceylan ne risque pas de faire de l’ombre aux blockbusters qui sortiront en même temps au mois d’aout. A Cannes, l’organisation n’a rien fait pour encourager la vaillance des chroniqueurs. Sur place, dans les espaces pourtant réservés, les portiers avaient reçu des consignes confuses et contradictoires dont ils n’avaient retenu qu’une chose: pas d’entrée pour les badges presse. Si bien que la formation rapide d’un important bouchon de journalistes énervés a fini par décider une responsable à aller consulter sa hiérarchie avant de diriger la presse sur les bords extérieurs de la mezzanine, c’est-à-dire aux plus mauvaises places. Une fois de plus, merci.

Le film alors? Il y a beaucoup de dialogues et relativement peu d’action dans Sommeil d’hiver, mais l’essentiel est dans le non-dit. Pourtant, c’est l’un des films les plus ambitieux de la compétition, et il pourrait remporter un Grand Prix ou un Prix de la mise en scène. L’histoire tourne autour d’Aydin, propriétaire d’un hôtel bien situé dans une région touristique reculée, mais fournie en formations rocheuses bizarres comme il y en a en Cappadoce. Acteur à la retraite et propriétaire terrien, c’est un érudit qui écrit des livres et des articles, tout en entretenant sa soeur, récemment divorcée, et sa très belle femme qui s’ennuie ferme et essaie de s’occuper maladroitement en donnant la charité.

Comme le médecin d’Il était une fois en Anatolie, notre acteur-hôtelier est un homme qui ne comprend pas le monde autour de lui, et à qui il faut expliquer les choses de différentes façons. C’est pourquoi les mots et le langage sont importants chez Ceylan, même s’ils représentent une forme de communication imparfaite et le plus souvent inadéquate.

La durée du film se justifie pour décrire le tissu complexe de relations qui s’établissent autour d’Aydin, provoquant les tensions et les conflits. A un moment, il est tenté de fuir, un peu comme on imagine qu’il l’a fait jusqu’à présent en esquivant la réalité. Elle finit par se révéler à lui, et à nous en même temps, libérant un flot d’émotions puissantes. C’est un grand et beau film, à tous les points de vue.

Gérard Delorme

Sommeil d'hiver sortira en France le 13 aout 2014.