Cannes jour 5 : Les comédiens principaux d'Emilia Perez
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L'actrice a bluffé les festivaliers, hier soir, aux côtés de Zoe Saldaña et Selena Gomez.

Nous écrivions hier soir à quel point Emilia Perez a surpris le public. Jacques Audiard, le réalisateur d'Un prophète, qui avait déjà remporté une Palme d'or en 2015 pour Deephan, semble bien parti pour repartir une nouvelle fois avec un prix du 77e festival de Cannes. Et pourquoi pas celui de l'interprétation féminine ?

Zoe Saldaña et Selena Gomez sont super, dans ce film mélangeant thriller, comédie musicale et codes du polar, mais l'actrice qui a bluffé tout le monde hier soir, c'est Karla Sofía Gascón, la comédienne transgenre qui tient le rôle principal d'Emilia Perez : un ancien trafiquant mexicain qui décide de changer de vie, et de sexe, pour devenir enfin la femme qu'il a toujours rêvé d'être. Lors de la conférence de presse qui s'est tenue en fin de matinée, c'est d'ailleurs elle qui a eu le plus de questions, avec le cinéaste.

Cannes jour 5 : Karla Sofía Gascón au bras de Jacques Audiard
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Cannes jour 5 : Karla Sofía Gascón et Selena Gomez
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Cannes jour 5 : Les comédiens principaux d'Emilia Perez
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Cannes jour 5 : La montée des marches d'Emilia Perez, de Jacques Audiard
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Cannes jour 5 : Le cinéaste entouré de toute son équipe
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Cannes jour 5 : Karla Sofía Gascón au bras de Jacques Audiard

Cannes jour 5 : Karla Sofía Gascón et Selena Gomez

Cannes jour 5 : Les comédiens principaux d'Emilia Perez

Cannes jour 5 : La montée des marches d'Emilia Perez, de Jacques Audiard

Cannes jour 5 : Le cinéaste entouré de toute son équipe

"Sans mauvais jeu de mot, Audiard mixe les genres, entre Annette et Sicario, et alterne les moments de danse, de violence, de larmes et de rires en flirtant habilement avec le ridicule, écrivait-on juste après la projection. L’actrice espagnole trans Karla Sofía Gascón, qui incarne Manitas del Monte/Emilia Perez, est la révélation du film. Et Zoe Saldana donne tout dans ce rôle en espagnol qui rappelle qu’il ne faut pas la cantonner aux films Marvel ou en motion capture."

"Drogue, violence, transition de genre… Emilia Perez s’inscrit pleinement dans son époque donc mais ici, les sujets sont au service du film et pas l’inverse, a-t-on aussi écrit à propos de cette œuvre originale. Nulle trace de discours, de message à faire passer. Juste du cinéma. Rien que du cinéma. D’une fluidité scénaristique dingue au vu de la multitude de rebondissements qui s’y produisent, d’un premier degré assumé et tellement rafraîchissant dans une époque de cynisme roi. 

(…)

Tout cela, le cinéaste le doit aussi à l’incarnation de ses héroïnes. Le trait commun à tous les films d’Audiard, celui qui a révélé Tahar Rahim, Karim Leklou, Reda Kateb et offert quelques-uns des plus beaux rôles de leur carrière à Marion Cotillard, Vincent Cassel, Romain Duris, Matthias Schoenaerts... Dès le premier plan d’Emilia Perez, on a le sentiment de redécouvrir Zoe Saldana, la superstar d’Avatar à qui personne avant Audiard n’avait confié un rôle aussi riche de pleins et de déliés. A ses côtés, bien que dans un rôle plus secondaire, Selena Gomez brille, elle aussi, de mille feux dans le rôle de la femme volage par qui la tragédie va arriver. Mais dans ce trio, il y a une figure de proue. Une actrice dont le destin vient de basculer en ce 18 mai 2024, Karla Sofia Gascon qui, comme le personnage qu’elle incarne, fut aussi un homme avant sa transition en 2018. Dès qu’elle paraît à l’écran, tout prend une autre dimension. Son personnage, le cadre, ses partenaires, l’histoire qui nous est raconté."

Née à Madrid en 1972, Karla Sofía Gascón a en effet transitionné en 2018, après une trentaine d'années d'expériences diverses dans le milieu audiovisuel espagnol. En 1994, elle a par exemple participé à l'émission pour enfants La Tele es Tuya Colega, en prêtant sa voix à plusieurs marionnettes, puis elle a incarné Arturo dans El Aguilla de Fuego, avant de se faire connaître en Italie, via les émissions Solletico et Gomma Piuma, ainsi qu'en Angleterre, via la série Isabel de la BBC.

Dans les années 2000, elle a participé à plusieurs séries espagnoles populaires, telles qu'El Super, Calle Nueva ou El Pasado es Manana, puis elle a fait partie au Mexique de la telenovela Corazon Salvaje. Dans la peau du gitan Branko, elle marque le public et est nommée aux TV&Novelas dans la catégorie meilleure révélation masculine.

Peu après sa participation à Llena de Amor, elle revient au Mexique pour son premier film dans le pays, Nosotros los Nobles, en 2011. Deux ans plus tard, il fera un carton au box-office local, attirant 7 millions de spectateurs en Amérique Latine. Forte de 327 millions de pesos de recettes, cette comédie écornant la noblesse devient le deuxième film le plus rentable de l'histoire du cinéma mexicain.

Au coeur des années 2010, elle connaît de nouveaux succès grâce aux séries espagnoles El Señor de los Cielos 2ª Temporada ou Hasta el fin del Mundo.

Emilia Perez est son premier film depuis sa transition. C'est un film qui lui tient à cœur, qu'elle ne cesse de défendre sur ses réseaux sociaux.

"J'ai trouvé ça difficile de sortir du personnage, de ne plus être Emilia Perez, a-t-elle confié pendant la conférence de presse du film. C'était un si beau personnage. Il m'a fallu un exorcisme pour lui dire adieu.

(…)

Ca a été dur de convaincre Jacques car au début, il ne me voulait que pour Emilia, pas pour Manitas. On a beaucoup répété, travaillé ce personnage ensemble. (…) C'est un cadeau magnifique que m'a fait Jacques, je pense que peu de comédiens ont la chance d'incarner un tel personnage. Puis j'étais là dès le début, on l'a vraiment construit au fil de nos discussions, en essayant des choses.

(…)

Jacques Audiard, je l'ai d'abord trouvé fou, je me demandais comment on allait s'en sortir : il ne parle pas espagnol, je ne parle pas français... Mais il m'a rassurée, j'ai compris qu'il avait vécu la même chose en préparant Les Frères Sisters avec des comédiens anglophones, Joaquin Phoenix, Jake Gyllenhaal...

(...)

Quand j'ai reçu le coup de fil pour me proposer de passer le casting, qu'on me demandait d'apprendre des chansons, j'ai pensé que je n'étais pas la bonne personne pour le rôle. Je ne suis pas chanteuse, moi ! (rires) J'ai bien fait d'y aller quand même, finalement."

"Vous savez, les personnes trans sont des personnes normales, a-t-elle enfin affirmé lors de ce panel, expliquant avoir été insultée, blessée pour son identité. Elle remercie une fois encore Jacques Audiard pour ce rôle fort, qui vient de propulser sa carrière.

Après avoir détaillé pourquoi il était important pour lui que le film se déroule au Mexique, et qu'il adresse ouvertement les drames qui touchent le pays, notamment les féminicides, Audiard rappelle à quel point la fabrication d'un film est un travail d'équipe.

"Je fais du cinéma pour ne pas être seul, explique-il. Il y a d'abord l'écriture avec des co-scénaristes, puis la rencontre avec les actrices, les acteurs... Sinon je suis plutôt d'une nature plutôt solitaire, misanthrope, mais le cinéma ça ne peut être que collectif."

Cannes 2024 : avec Emilia Perez, Jacques Audiard réveille la compétition [critique]