Première
par Frédéric Foubert
Après les petites filles, les petits garçons. Après les pensionnaires en jupes plissées et socquettes blanches d’Innocence (2005), voici les cobayes mâles d’Évolution, triturés et "pré- parés" par leurs mamans afin qu’ils puissent donner la vie. La filmo de Lucile Hadzihalilovic se résume à deux titres mais elle est d’une cohérence impérieuse et d’une puissance mythologique rare. Envisageant l’enfance comme un continent aux lois obscures, chaque film reformule la même question : c’est comment la vie quand on est grand? Et, à chaque fois, la simplicité absolue de la métaphore que la réalisatrice file (le passage à la puberté) l’autorise en retour à investir ses images d’une complexité esthétique et poétique inouïe. Le chef opérateur surdoué Manu Dacosse (Amer, Alléluia) orchestre ici un déchaînement plastique sidérant, aux effets quasi hallucinatoires. On regarde Évolution comme on plongerait dans un puits sans fond, rempli de peurs primales et de questionnements irrésolus. On se frotte les yeux. Dans le registre du bizarre, du conte noir, du cauchemar éveillé, vous ne verrez a priori rien de plus beau cette année.