Oubliée par ses proches à la fin de l’été, la septuagénaire Louise est condamnée à rester à la plage jusqu’aux retour des estivants. A partir de ce pitch peu vraisemblable, Jean-François Laguionie brode un conte en forme d’allégorie sur la solitude de la vieillesse – ce naufrage : soit une robinsonnade où l’île déserte est remplacée par une station balnéaire normande (fictive), et Vendredi par un chien. Si les éléments se déchainent dehors, Louise n’est pas née de la dernière pluie. Une petite goutte de rhum dans sa tasse de thé, et hop, à l’abordage. En bon amateur d’aventures flibustières, le réalisateur de L’île de Black Mor fait de sa mémère un vieux loup de mer. Avec son bonnet rouge à la Cousteau, elle livre son journal de bord d’une voix qui a vu du pays (celle, rauque et crépitante, de Dominique Frot). Mais, à mesure que les saisons passent, joliment traduites par une technique d’animation mêlant aquarelle, crayon de couleur et pastel, l’ivresse de cette émancipation tardive se double d’un vacillement intime. Sur les dunes désolées s’engouffrent souvenirs et cauchemars, indistinctement mêlés. Jadis, Louise a-t-elle vraiment eu pour confident ce cadavre de pilote anglais de la 2nde Guerre Mondiale ? Quelle blessure abritent les pâles falaises qui la dévisagent ? Des visions sombres, presque gothiques, s’intercalent par strates impressionnistes dans la routine du survival. Elles dessinent un émouvant paysage intérieur, à la fois torturé et aérien, comme en apesanteur. Eric Vernay