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Dans son propre rôle, 50 Cent s'impose malgré un registre limité, qui contraste avec la souplesse de Joy Bryant (sa copine à l'écran). Il tient tête aussi, et c'est bon signe, à quelques excellents second rôles qui auraient pu l'enfoncer à l'aise: Terrence Howard dans un rôle hélas pas assez développé, le monstrueux Adewale Akinnuoye-Agbaje ou le toujours suave Bill Duke.
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Mieux qu'une hagiographie du rappeur 50 Cent, Jim Sheridan fait de Réussir ou mourir (« Get rich or die tryin' ») un film de gangsters où l'illégalité apparaît comme la seule voie possible pour réussir quand on est jeune et noir. Clip Gangsta bidon ou plongée réaliste façon 8 Mile ?
Sur le papier, « Get rich or die tryin' » avait tout pour nous refroidir : après les disques, le jeu vidéo, les fringues, la « marque » 50 Cent n'avait plus qu'à s'emparer du tiroir-caisse de Hollywood pour que le hold-up soit complet. Les colossaux enjeux financiers alliés à la mégalomanie du rappeur Curtis Jackson (« 50 Cent ») laissaient craindre la sortie d'un biopic en béton armé, vouant un culte sans nuance au gangsta rapper.Ouf de soulagement dès l'ouverture du film : une voiture parcourt le Bronx au son d'un hip-hop surpuissant qui fait trembler les images dans le rétroviseur. Jim Sheridan a donc opté pour une réalisation nerveuse et chiadée. Dès la séquence suivante, Marcus, alias 50 Cent, et sa bande attaquent un gang de Colombiens. Fusillade, poursuite en bagnole, Marcus prend neuf balles dans la peau devant la maison de ses grands-parents. Deuxième bonne surprise, Get rich... est moins un film sur le rap que sur la mythologie qui l'innerve, le fric, les armes, la légende du truand parfait à la Scarface. Alors que 8 Mile, réalisé autour d'Eminem, plaçait le hip-hop au centre du dispositif scénique, Get rich... en fait la toile de fond d'un très efficace film de gangsters.Crimes et blindage émotionnel
L'histoire, elle, tient sur une feuille à rouler : Marcus vit dans le Bronx où sa mère deale avant de s'y faire buter. Marcus prend la relève et devient en quelques années un malfrat d'envergure. Le rap et la paternité assureront in fine sa rédemption. La vraie vie de 50 ou presque, « fidèle à 75 % », selon le rappeur. Le quart restant, c'est notamment l'absence du père qui oblige Marcus à se débrouiller tout seul, comme Rabbit dans 8 Mile.Les deux films décrivent d'ailleurs la détermination de gamins paumés à survivre dans un univers hostile et étouffant. Mais la comparaison s'arrête là. Curieusement, alors que 8 Mile est presque totalement fictif, le film brille par son réalisme : Detroit et son urbanisme anarchique, l'usine merdique où travaille Eminem, les voitures asthmatiques et pourries, les caves glauques où s'organisent les battle. A l'inverse, Get rich... est vrai mais tout y paraît étrangement bidon : les ghettos noirs de New York sont remplis de pourris et les filles sont toutes d'incroyables bombasses évadées d'un clip de Beyonce. La dimension politique du film de Sheridan est moins à chercher dans son déballage visuel que dans le propos qui le sous-tend. En liant l'accession à la richesse au crime et au blindage émotionnel (Marcus « enterre ses émotions » comme lui dit sa petite amie), Get rich... dépeint l'horreur qui couve sous le vernis d'un capitalisme carnassier.Les autres sont un moyen
Qu'elle se réalise à coups d'OPA hostiles ou de magnum 357, la réussite financière implique dans tous les cas de nourrir un individualisme parano et criminel, surtout si on est jeune et noir. Cinéaste inspiré par les problématiques d'immigration - il avait réalisé In America autour des Irlandais exilés aux USA -, Jim Sheridan montre que l'illégalité est presque la seule voie de mobilité sociale pour les jeunes afro-américains. Ses gangsta ont saisi le message du libéralisme - « gagne du fric ou vas mourir »- comme les données du système ; les autres ne sont qu'un moyen.« S'il s'agit (...) de l'intégration au système capitaliste, il est évident que la caillera est infiniment mieux intégrée à celui-ci que ne le sont les populations (...) immigrées dont elle assure le contrôle et l'exploitation à l'intérieur de ces quartiers expérimentaux que l'Etat lui a laissé en gérance », écrivait Jean-Claude Michéa dans L'Enseignement de l'ignorance en 1999. Certes, un tel argumentaire politique habille un peu large un film qui ressemble quand même plus à un clip de Snoop Doggy Dog qu'à une oeuvre engagée. Quoique : aux dernières nouvelles, 50 Cent aurait lu Sun-zu et Machiavel...Réussir ou mourir
Réalisé par Jim Sheridan
Etats Unis, 2005
Durée : 1h57
Avec Curtis , Joy Bryant, Viola Davis[Illustrations : © United International Pictures (UIP)]
Sur Flu :
- chronique de 8 Mile (Curtis Hanson)
- Retrouvez 50 Cent sur Playlist, le blog Musique de Flu
- Retrouvez également Eminem sur Playlist.Sur le web :
- Le site du film