-
Comment transmettre l’émotion inouïe qui vous étreint à la découverte de ce film sans briser le pacte que Mathieu Amalric y propose à ses spectateurs, vus comme des complices et non des marionnettes à manipuler ? L’exercice est complexe. Disons que cette adaptation de Je reviens de loin, une pièce de Claudine Galéa, raconte l’histoire d’une femme qui, un petit matin décide de quitter le cocon familial, mari et enfants. Une femme qu’on va suivre tout au long de son périple où vont régulièrement surgir de sa mémoire des souvenirs. Certains réels, d’autres qu’on comprend vite imaginaires, qui vont former ensemble le récit de cette dislocation d’un couple traversée par en permanence par trois interrogations : qui quitte qui ? Qui oublie qui ? Qui recherche qui ? Y répondre serait donc gâcher le bonheur pris devant cette merveille de film, même si celui- ci ne lorgne pas pour autant du côté de Sixième sens. Amalric ne construit pas Serre- moi fort sur une révélation mais comme un télescopage de flashbacks et de flashforwards, de ressentis et de fantasmes. Ce cinéma de fragments déjà à l’œuvre dans La Chambre bleue et Barbara trouve ici un aboutissement magistral, renforçant la puissance mélodramatique du récit en la construisant… dans la déconstruction. Aussi intensément cérébral que puissamment émotionnel, Serre- moi fort s’appuie aussi sur une comédienne impressionnante dans sa manière de traverser et de faire partager ce roller-coaster de sensations contradictoires. L’immense Vicky Krieps qui, après Bergman Island et Old, confirme ici qu’elle est l’actrice de 2021 !