L’histoire vraie de Xavier Fortin (renommé Paco) qui, à la fin des années 90, enleva ses deux fils, confiés à la garde de leur mère, pour les élever en pleine nature, en accord avec ses valeurs anticonsuméristes.
Il y a dans "Vie sauvage" au moins deux scènes superbes. Au début, le père, devant le portail de sa belle-famille, intime à ses fils de sortir de la maison. Fuite en avant... Des années plus tard, l’aîné, devenu adolescent, s’approche de la demeure cossue où vit la fille qu’il convoite mais, comme stoppé par un champ magnétique, ne peut y entrer. La vie bourgeoise est-elle la vie normale ? Ce doute, qui hante la filmographie de Cédric Kahn, trouve ici une expression politique. Convaincu que le bonheur est dans le dénuement (« On n’a plus rien ! », triomphe-t-il), Paco ne quitte pas le chemin balisé de l’existence parce qu'il est fou (comme le criminel de Roberto Succo) ou emporté par la passion (comme le héros des "Regrets"), mais parce qu'il a choisi de faire de la marginalité un acte de résistance. Le film n’est jamais aussi fort que quand il emboîte le pas à ce père devenu hors-la-loi par idéal éducatif, entraînant ses enfants dans une cavale picaresque et contemplative à la façon d’un western, mais vu du côté des Indiens et influencé par Malick et Varda. Un personnage jusqu’au-boutiste dans lequel se fond Mathieu Kassovitz, meilleur que jamais, au point qu’il est impossible de ne pas y voir en creux le signe de sa propre révolte. D’ellipse en ellipse, au fil discontinu de plus de dix ans de clandestinité, "Vie sauvage" interroge les impasses de l’utopie. L’histoire est alors racontée non plus à travers le regard du père, mais du point de vue des enfants devenus grands. On regrette seulement que la fin, évacuant Paco au profit des retrouvailles avec la mère, fasse primer le souci d’équité sur l’élan de radicalité.