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Ce qu’il faut voir ou pas cette semaine.

L’ÉVÉNEMENT

LIFE : ORIGINE INCONNUE ★★☆☆☆
De Daniel Espinosa

En ces temps où Hollywood multiplie les remake, reboot et autres prequel jusqu’à l’overdose, Life : Origine inconnue avait tout pour nous exciter. Un film de SF basé sur un scénario original, avec un casting plutôt cool (Jake Gyllenhaal, Rebecca Ferguson, Ryan Reynolds), c’est ce que demande le peuple, non ? Puis, dès la première bande-annonce ce fut la douche froide. Malgré l’utilisation maline du grand discours de JFK sur la conquête spatiale, on réalisait en quelques plans que le film ressemblerait plus à un sous Alien saupoudré de The Thing qu’à un chef d’œuvre de SF à portée philosophique.
Edouard Orozco

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PREMIÈRE A AIMÉ

11 MINUTES ★★★★☆
De Jerzy Skolimowski

Dans ce troisième et stupéfiant opus depuis son retour à la réalisation après une absence de près de 17 ans, le cinéaste polonais cumule la virtuosite d'un vieux maître avec le culot et l'énergie d'un jeune punk. L'idée consiste à raconter 11 minutes dans la vie d'un échantillon varié de résidents de Varsovie : une actrice qui passe une audition, son mari jaloux qui cherche à la prévenir que le champagne qu'ils ont bu ensemble était chargé de somnifères, un livreur de cocaïne qui abuse de sa propre marchandise, un groupe de bonnes soeurs, un marchand ambulant de hot dogs, une équipe d'ambulanciers en route pour l'hôpital, un peintre témoin d'accidents bizarres... Ils n'ont rien à voir les uns avec les autres, mais le hasard va les rassembler dans des circonstances fracassantes. Entre le film expérimental et l'exercice de style, 11 minutes relève de la pure mécanique cinématographique, magistralement agencée. La nécessité économique a stimulé l'ingéniosité pour varier les textures selon les besoins: iphone, ordinateur portable, caméra de surveillance font partie de la palette du cinéaste autant que les effets numériques. Et hormis la récurrence sur plusieurs supports d'une tache dans le ciel, qui pose des questions conceptuelles (pixel mort? tache d'encre? accident cosmique?), il ne faut pas trop chercher de message dans ce trip d'un nihlisme assumé. On peut y voir une célébration de la funeste beauté du hasard, du chaos, et des connexions universelles dont on a parfois l'intuition lorsque la dopamine libérée ouvre les portes de la perception. Le film produit le même effet par la seule force des images, de leur mouvement et des stridences sonores qui les accompagnent.
Gérard Delorme

IKARIE XB1 ★★★★☆
De Jindrich Polak

1963, le film de science-fiction tchécoslovaque Ikarie XB 1 apparaît comme les prémices d'un nouveau genre au cinéma : la science-fiction spatiale. Des décors futuristes sophistiqués, des effets-spéciaux bluffants pour l'époque, un travail sur le son immersif et une trame narrative catastrophe... Arrivé sur les écrans cinq avant 2001, l'odyssée de l'espace de Stanley Kubrick (qui se serait d'ailleurs inspiré du film pour créer le sien) et quatorze ans avant le premier Star Wars, le film de Jindrich Polak a pavé la voie à une grande partie du cinéma de science-fiction tel que nous le connaissons aujourd'hui. Plus qu'une œuvre cinématographique, le témoignage d'un cinéma oublié, voire totalement perdu, qui à l'aide de peu de moyens et beaucoup d'imagination arrivait à faire rêver le spectateur et le transporter dans une autre dimension.
François Rieux

LES INITIÉS ★★★★☆
De John Trengove

Chaque année, Xolani, dit X, ouvrier solitaire, se rend dans les montagnes pour participer à l’initiation de jeunes hommes qui se font circoncire dans des conditions particulièrement rudes. Pendant une semaine, les instructeurs comme X surveillent et conseillent leurs « initiés » qu’ils doivent conduire à l’âge adulte. Comme chaque année, X retrouve sur place son vieil ami Vija, père de famille rugueux, avec lequel il partage une relation sexuelle et amoureuse qui ne dit pas son nom… Vous avez sûrement deviné : Les Initiés est bel et bien leBrokeback Mountain sud-africain mais qui se déroule sur une période courte –celle du rituel. Moins romantique que le chef d’œuvre d’Ang Lee, le film de John Trengove évoque sans fard le tabou de l’homosexualité, très présent dans cette partie du monde. En résulte des corps-à-corps brutaux, dénués de tendresse, entre les deux protagonistes, Vija refoulant à mort ses sentiments que X n’arrive pas à exprimer correctement. Au milieu des deux hommes, Kwanda, l’initié qui a tout compris. Touché par le dilemme de X, il est le détonateur du drame qui se noue et auquel Trengove, avec sa caméra portée et immersive, imprime une urgence suffocante. Jusqu’au dénouement, d’une beauté et d’une force d’évocation admirable.
Christophe Narbonne 


 

PREMIÈRE A PLUTÔT AIMÉ

SOUS LE MÊME TOIT ★★★☆☆
De Dominique Farrugia

L’essentiel
Après l’amour, la séparation. Sous le même toit commence quand Delphine décide de virer Yvan après que ce dernier l’a trompée. Reprenant les personnages de Delphine 1 Yvan 0 (après Julie Gayet et Serge Hazanavicius c’est Louise Bourgoin et Gilles Lellouche qui incarnent son couple moderne), Dominique Farrugia compose une comédie sociale dans l’air du temps. C’est parce qu’ils sont victimes de la crise qu’Yvan et Delphine doivent partager la maison malgré la séparation. 
Pierre Lunn

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CESSEZ-LE-FEU ★★★☆☆
D’Emmanuel Courcol

De retour dans sa famille en France, après des années passées en Afrique pour oublier la Grande Guerre, Georges retrouve son frère Marcel, qui ne parle plus et peine à avoir une vie sociale et amoureuse. La douce Hélène, qui lui apprend le langage des signes, n’est pas insensible au charme du fougueux et tourmenté Georges… Film sur le trouble de stress post-traumatique (qu’on ne nommait pas encore ainsi), Cessez-le-feu est un complément presque idéal à La Chambre des officiers du regretté François Dupeyron : pas de gueules cassées ici mais -c’est pour ainsi dire pareil- des âmes brisées qui se fracassent contre la normalité d’un monde qui ne les comprend pas et qui ne correspond plus à leur aspiration à l’oubli. Formidablement interprété par le trio Duris-Sallette-Gadebois, Cessez-le-feu, s’il ne brille pas par une audace folle, a le mérite de rendre un hommage sincère à ces sacrifiés de l’Histoire.
Christophe Narbonne
 

WEDDING DOLL ★★★☆☆
De Nitzan Gilady

Hagit, une jeune femme psychologiquement fragile, occupe ses journées en fabriquant des petites poupées dans l'usine de papier dans laquelle elle travaille. Rêvant de prendre de son indépendance, elle entretient secrètement une relation avec le fils de son employeur et le cache à sa mère. Cette dernière est déchirée entre son désir de la protéger et sa propre volonté de vivre sa vie de femme… Pour son premier long-métrage de fiction, le documentariste israélien Nitzan Gilady tisse une histoire d'une poésie assez stupéfiante, où les décors et la mise en scène rappellent sans cesse la douce étrangeté du personnage principal. Wedding Doll révèle au passage l'actrice Moran Rosenblatt, alias Hagit, parfaite dans ce rôle où il aurait pourtant été facile d'aller trop loin. Un film humain, avant tout.
François Léger

GLORY ★★★☆☆
De Kristina Grozeva & Petar Valchanov

Comme dans leur précédent film, The Lesson, Grozeva et Valchanov s’attachent à démonter les mécanismes de la chute d’un homme soumis à des vents contraires. Tsanko, cantonnier, découvre des liasses de billets sur la voie ferrée qu’il entretient. Au lieu de les garder (ce qu’aurait fait n’importe qui d’autre, sous-entend le film), il les restitue au gouvernement qui s’empresse de saluer son geste lors d’un grand raout médiatique organisé par la cynique dircom du Ministère des Transports. Oui, mais voilà. Tsanko reçoit une belle montre qui ne fonctionne pas et réclame l’ancienne -un cadeau de son père- qu’on a oublié de lui rendre. C’est le début d’un engrenage infernal qui va entraîner le pauvre bougre et la dircom dans des impasses existentielles… La quête kafkaïenne de Tsanko a quelque chose de celle de K, le héros du Château, confronté à une bureaucratie absurde et à son propre comportement irrationnel. En l’affublant d’un bégaiement qui accentue ses difficultés (ainsi qu’en s’intéressant aux problèmes d’insémination de la dircom), les réalisateurs ont malheureusement un peu tendance à forcer le trait. Reste une charge amusante dont le dénouement, déroutant, vous travaille longtemps après la projection.
Christophe Narbonne

RETOUR À FORBACH ★★★☆☆
De Régis Sauder

Forbach est une petite ville de Moselle de l'est qui a connu la guerre et notamment l'annexion allemande. Régis Sauder est natif de là. Entre 2014 et 2016, il est revenu chez lui pour prendre le pouls de sa cité natale entre la victoire du Front national aux régionales et l'état d'urgence après les attentats de Paris. A travers des témoignages récoltés auprès de ses proches, dans les aires de jeux des quartiers, devant les écoles, aux balcons des HLM et dans le bistrot du centre-ville, le réalisateur fait un état des lieux alarmant de ce que l'on qualifie injustement de "France d'en bas". Chômage, pauvreté, vote FN, déterminisme social et autres dérives identitaires gangrènent la vie des habitants. Régis Sauder livre le portrait cru et sans fard d'une société morcelée par le nationalisme et la peur de l'autre. Un cas d'école qui pourrait s'appliquer à bien d'autres endroits en France et pas seulement en province. A quelques semaines du premier scrutin de l'élection présidentielle, l'impact socio-politique d'un documentaire tel que Retour à Forbach fait l'effet d'une douche froide.
François Rieux

L’ÉVEIL DE LA PERMACULTURE ★★★☆☆
D’Adrien Bellay

Aux quatre coins de la France, Adrien Bellay a suivi et récolté les points de vue d'adeptes de la permaculture. La quoi ? Derrière cette appellation un peu obscure se cache simplement une agriculture écologique destinée à assurer la pérennité vivrière d'un lieu et donc d'un écosystème. Schémas, infographies, cours, conseils et autres témoignages de ces agriculteurs d'un nouveau genre : L'éveil de la permaculture est un documentaire didactique et très lisible. Il montre notamment les tenants et aboutissants de ce mode de vie alternatif visant à repenser et réinventer l'agriculture tel que nous la connaissons. A l'heure où les débats électoraux sont omniprésents dans notre quotidien mais où les questions écologiques sont globalement occultés, L'éveil de la permaculture fait office de piqûre de rappel.
François Rieux

JONCTION 48 ★★★☆☆
D’Udi Aloni

Kareem file à travers la ville Air Max aux pieds et casque sur les oreilles. Entre deux petits boulots, il perfectionne ses textes en vue de devenir un star du rap. A la mort de son père, il se prend la réalité en pleine face : Il doit veiller sur sa mère et trouver un moyen de faire de l'argent tout en restant focalisé sur sa carrière qui débute. Jonction 48 aurait pu être le 8 Mile palestinien, à savoir un film musical mettant en exergue la vie d'un jeune galérien tentant de s'en sortir par le biais du rap. Mais le contexte sous-jacent, à savoir le conflit israélo-palestinien, donne une épaisseur beaucoup plus importante et beaucoup plus politique. Ici, le rap n'est plus seulement un moyen de s'extraire de sa condition humaine et accéder à la célébrité, c'est surtout une arme pour exister face à l’oppression et se battre face aux inégalités. Jonction 48 est un film social fort, véhiculant un message ouvertement positif dans un contexte au Moyen-Orient toujours aussi trouble.
François Rieux

L’AFFRANCHIE ★★★☆☆
De Marco Danieli

Parce qu’elle est tombée amoureuse, une jeune femme tente de sortir des rangs des témoins de Jéhovah, dont elle fait partie depuis l’enfance et qui lui ont imposée leur vision du monde… L’Affranchie est un récit d’émancipation de facture classique, souvent trop conventionnel dans ses péripéties, mais qui a le mérite de lever le voile de façon quasi-documentaire sur les rites et les préceptes d’une communauté finalement assez méconnue. Il confirme surtout la cinégénie affolante de la lumineuse Sara Serraiocco (déjà vue dans Salvo), ange au regard triste et cousine transalpine de Natalie Portman.
Frédéric Foubert

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

GOLD ★☆☆☆☆
De Stephen Gaghan

Gold, très clairement, aimerait marcher sur les brisées du Loup de Wall Street. Mais il ne suffit pas de situer sa satire du capitalisme vicié dans les années 80 et de la peupler de connards adipeux pour que ça marche. Sans la folie cartoon et cocaïnée de Martin Scorsese, un film de Stephan Gaghan reste, euh… un film de Stephan Gaghan. Didactique, sage et empesé. Et dont le sérieux papal est ici en décalage total avec son interprète en roue libre. A la recherche effrénée d’un nouvel Oscar (une règle non écrite dit qu’il faut se méfier des films à Oscars qui sortent au mois d’avril), Matthew McConaughey, après le régime radical de Dallas Buyers Club, exhibe ici une bedaine triomphante, et s’est fait la tête de Tom Cruise dans Tropic Thunder. Son personnage de chercheur d’or pris au piège d’un énorme scandale financier est de fait l’un des plus bizarrement caractérisés de sa filmo – un bonimenteur de seconde zone looké comme un figurant de The Office, mais qui évoluerait dans le monde avec la grâce féline de Rust Cohle, l’enquêteur philosophe de la série True Detective. N’importe quoi. Les fans hardcore de l’acteur se doivent néanmoins de voir ce film, le cabot texan s’y livrant à de nouvelles et irrésistibles facéties, comme dompter un tigre à mains nues, ou s’ébrouer lascivement sur un matelas de dollars en slip kangourou.
Frédéric Foubert

Et aussi

Mes vies de chien de Lasse Hallström
Au long de la rivière Fango de Catherine Sotha
Zeitgeist Protest de Christophe Karabache
Kombissiri de René Letzgus
Nostos de Sandrine Dumas

Reprises

L’amour existe de Maurice Pialat
Le Trou de Jacques Becker
Touchez pas au grisbi de Jacques Becker
Casque d’or de Jacques Becker