Le dernier film de Hayao Miyazaki arrive sur Netflix.
Dernières fournée de films Ghibli en ce premier avril avec la mise en ligne de Pompoko (1994), Si tu tends l’oreille (1995), Le Château ambulant (2004), Ponyo sur la falaise (2008), La Colline aux coquelicots (2011), Le vent se lève (2013), Souvenirs de Marnie (2014). Après la présentation du Vent se lève dans le cadre de la Mostra de Venise 2013, nous avions publié cette critique, encore bouleversés par ce qui devait être le dernier film du cinéaste japonais. Depuis, il a annoncé qu'il travaillait sur deux nouveaux projets avec son fils.
Hayao Miyazaki et son fils travaillent sur deux nouveaux films GhibliLe 11ème long métrage d’Hayao Miyazaki a reçu un accueil partagé à Venise. Certains sont sortis déroutés par le côté dur et presque austère de cette évocation d’un personnage historique au destin partiellement tragique. L’histoire est inspirée de la vie de Jiro Horikoshi, probablement le plus brillant des ingénieurs aéronautiques japonais, célèbre pour avoir mis au point l’avion de chasse Zéro. Les implications du sujet et le contexte historique en font un des films les plus réalistes et les plus adultes de l’animateur.C’est aussi un de ses films les plus personnels, qui lui permet d’innover dans le domaine du romanesque comme jamais auparavant. Visuellement, Le vent se lève est éblouissant et par moments bouleversant. C’est aussi un film très triste.
Jiro est un personnage fictif inspiré en grande partie par l’ingénieur japonais, mais aussi par l’écrivain de la même époque Tatsuo Hori, qui a emprunté à Paul Valéry la phrase du titre : “Le vent se lève, il faut tenter de vivre”. Et l’histoire de Jiro illustre toutes les significations de cette phrase, des plus poétiques aux plus tragiques. On le suit au début des années 20 lorsque, adolescent, il rencontre celle qui deviendra la femme de sa vie dans le cadre dramatique du tremblement de terre de Kanto. L’époque est aussi marquée par la crise économique, le chômage, la pauvreté et les épidémies de tuberculose.
A cette dimension documentaire s’ajoute aussi celle du rêve, indissociable du style narratif de Miyazaki. Les différentes étapes du parcours de Jiro sont rythmées par ses songes, souvent habités par son mentor, l’ingénieur italien Caproni qui le guide, l’encourage et l’inspire. Pour lui, on ne fait pas des avions pour gagner de l’argent ou pour faire la guerre. Les avions naissent des rêves, et il appartient aux ingénieurs de réaliser ces rêves.
Il n’est pas difficile de voir que Miyazaki s’identifie totalement à ce personnage, pas seulement parce que c’est un obsessionnel qui fait passer son travail avant tout le reste. Pour lui, il n’y a pas de différence entre un artiste et un ingénieur. L’un et l’autre ont pour obligation de créer, quels qu’en soient le prix et les conséquences. Comme d’habitude, le maître évite soigneusement de dédouaner moralement son personnage, même s’il implique sans ambiguité que Jiro est conscient de l’impasse politique dans laquelle le Japon s’engageait à l’époque. A un moment, un personnage souhaite à Jiro de tirer le meilleur de ses dix ans, après avoir rappelé que les artistes ne sont créatifs que pendant dix ans.Il serait intéressant de demander à Miyazaki quand il pense avoir vécu cette fameuse décennie. Quoiqu’il en soit, à pas loin de 75 ans, il maîtrise encore son art avec une sûreté exceptionnelle. Et certaines séquences du Vent se lève, comme celle du tremblement de terre, figurent parmi ses plus impressionnantes.
Gérard Delorme
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