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Bas-Fonds est un film d'une violence inouïe, dont la mise en scène, maîtrisée, sereine, témoigne d'une maturité impressionnante. Inspiré d'un fait divers, le meurtre d'un boulanger sous les yeux de sa femme par trois jeunes filles en rupture de ban, ce film, qui concourait cette année pour le Léopard d'or au festival de Locarno, est un portrait de groupe. (...) Isild Le Besco n'est pas là pour séduire. Avec ce film, elle s'impose comme une cinéaste habitée, et affirme sans ambiguïté une répulsion farouche pour tout ce qui peut s'apparenter à des normes - que celles-ci soient sociales, morales, sexuelles ou de toute autre nature.
Il faut le dire, ce film en rebutera plus d'un. Ce qui choque n'est pas que ces filles aient tué, gratuitement de surcroît. C'est leur existence même. Aucun homme n'a jamais montré des filles de cette manière, dépouillées de tous les attributs de la féminité - même les femelles de La Guerre du feu, de Jean-Jacques Annaud, en 1981, ont plus de douceur que Magali. -
La cinéaste accompagne ses asociales jusqu'au bout, dans leur abjection comme dans leur rédemption. C'est sa force : refuser d'emblée de juger - il y aura un procès, que relate la dernière partie du film - et rester de plain-pied aux côtés du trio. En troquant l'esthétique de l'urgence de ses premiers films (caméra mobile, vidéo) contre un dispositif d'une grande rigueur formelle (35 mm, plans larges), elle enregistre le chaos avec une sobriété qui glace. Le sujet de société s'efface. Seuls comptent la présence brute des êtres, leur vie (auto)détruite, et leur besoin d'amour.
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Isild Le Besco filme avec empathie les moments de bascule. Alternant les scènes de procès et celles de la vie avant le désastre, Bas-Fonds est un film bressonnien : un couteau, une clef, une partie pour le tout et la rédemption d'une jeune femme. Une voix off. Et surtout celle, unique dans le cinéma, d'Isild Le Besco. Impressionnante, comme ses trois jeunes actrices.
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On regrette donc que la réalisatrice n'ait pas pris le soin d'écrire des scènes entre ces trois personnages qui auraient donné une assise au film, que ce soit du côté de l'abstraction SM ou du psychodrame théâtral. Il n'en reste pas moins que ces trois filles existent, même satellisées, même orphelines de récit, et que ces trois visages nous importent plus que cette idée préconçue, claironnée par le titre, des "bas-fonds".
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Par la seule force organique de sa mise en scène, entre le figuratif du théâtre et la rage viscérale du cinéma (difficile de ne pas penser à Pialat), elle nous immerge jusqu’au vertige dans ce mélange entre l’abject et le pur, le trivial et le sacré. Repoussant la limite de nos émotions dans leurs zones les plus troubles et nous invitant à vivre l’une des expériences de cinéma les plus pures, les plus brutes mais surtout les plus bouleversantes – au sens le moins confortable et le plus radical – de cette année.
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Le troisième film d’Isild Le Besco délaisse quelques tics de réalisation mais, s’il conserve une indéniable sauvagerie, Bas-fonds manque de profondeur et révèle une certaine naïveté.
Bas-Fonds