Le film d'ouverture du festival délivre très frontalement son message.
Le festival d'animation d'Annecy fêtait lundi soir le grand retour de Michel Ocelot avec Dilili à Paris, film d'ouverture de cette 42e édition. Le pape de l'animation française, notamment réalisateur Kirikou et la sorcière, Azur et Asmar ou Le Prince et la princesse, ne cachait pas sa nervosité sur la scène du centre Bonlieu, situé tout près du lac : « C'est une soirée très importante pour moi et une vraie première mondiale. C'est la première fois que je vois mon film avec un public. Mon coeur bat très fort et j'espère que vous l'aimerez ». Dilili s'ouvre sur une scène astucieuse, où l'on découvre la jeune héroïne dans ce qui ressemble à un village africain. Puis le cadre s'élargit, faisant apparaître la tour Eiffel et révélant une sorte de zoo humain offert à la vue des visiteurs parisiens... Kirikou fête ses 20 ans cette année et Ocelot nous fait comprendre qu'il est temps de tourner la page.
Dilili se déroule dans le Paris de la Belle Epoque, autour du la fin du XIXe siècle. L'histoire d'une jeune enfant Kanake qui fait la connaissance d'un livreur se déplaçant en triporteur. Ensemble, ils mènent l'enquête pour découvrir l'identité des « Mâles-Maîtres », une société secrète qui enlève des fillettes dans la ville. Ils croiseront au passage tout ce que la capitale comptait de figures intellectuelles et artistiques : Monet, Renoir, Toulouse-Lautrec, Proust, Picasso, Degas, Rodin...
La liberté de la femme
Légèrement poussif, ce défilement de noms connus ne nourrit que peu l'intrigue, mais permet au réalisateur de mettre en avant les grandes femmes de cette ère, de Louise Michel à Marie Curie en passant par Sarah Bernhardt ou Emma Calvé. Car c'est là tout le sujet de Dilili : au-delà du racisme ambiant et de la condition des personnes métissées, le long-métrage utilise les « Mâles-Maîtres » comme figure de l'oppression des femmes, alors au début du combat pour leur propre liberté. Ocelot ne dit jamais vraiment à qui il pense, mais plusieurs séquences laissent peu de doutes sur sa véritable cible.
Un message fort qui résonne évidemment avec l'actualité, malheureusement asséné avec un manque de finesse étonnant. Dilili fait l'impasse sur l'émotion et les allégories (à l'exception d'une féerique dernière scène au-dessus de la tour Eiffel) pour foncer tête baissée vers un premier degré parfois à la limite de l'embarrassant (« Le vrai caca, ce sont les hommes là-bas », dit à un moment un personnage repenti). Et le doublage articulé jusqu'à l'absurde est toujours à deux doigts de faire oublier que le cinéaste de 74 ans prend tous les risques avec la réinvention de sa propre grammaire visuelle, utilisant ses propres photos de Paris comme décors. Les personnages sont animés sur ces clichés figés - par définition -, donnant à l'ensemble des airs de carte postale fantasmée, à cheval entre deux mondes. Une splendeur.
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