Le film de Bertrand Bonello est à la fois contestataire, contre-culturel, « genresque » et arty. La preuve en cinq films.
If… (Lindsay Anderson, 1968)
Beaucoup de similitudes entre 1968 et 2016, avec une jeunesse étouffée par un carcan social aliénant (hier, l’institution scolaire à la sévérité archaïque, aujourd’hui la mondialisation du no future) et un refoulement de plus en plus insupportable qui se transforme en défoulement violent. Enfant de Zéro de conduite et prédécesseur d’Orange mécanique, If… et ses collégiens en colère perpétue, comme Nocturama et ses apprentis anarchistes, cette idée d’insurrection permanente de la jeunesse contre l’ordre établi, le conservatisme et l’injustice.
Zombie (George A. Romero, 1978)
Zombie se passe dans un centre commercial, supposé être le refuge parfait pour des humains pourchassés par les morts-vivants. Même chose dans Nocturama : les jeunes terroristes se terrent dans un grand magasin en attendant tranquillement que la police aille les chercher ailleurs. Dans les deux cas, le cinéma de genre sert de prétexte aux réalisateurs pour développer une critique en règle de la société de consommation qu’ils accusent de corrompre les âmes. Tous des zombies ?
Fight Club (David Fincher, 1999)
L’anarchiste Tyler Durden, à la tête d’une bande de révolutionnaires bouffons, pourfend le capitalisme… David Fincher livre comme Bonello un pamphlet nihiliste mais sur le ton de la farce. S’il y a bien des scènes qui virent au grotesque dans Nocturama (la scène de chanson queer), c’est moins par souci de choquer (voire d’agresser) et d’amuser que d’installer un malaise insidieux chez le spectateur. L’un comme l’autre, les films sont sujets à de nombreuses interprétations et ne manquent pas de diviser.
Eastern Boys (Robin Campillo, 2014)
Robin Campillo (réalisateur des Revenants, le film) partage pas mal de points communs avec Bonello, notamment un goût du genre dont il assujettit les codes au cinéma d’auteur français. Dans Eastern Boys, il y a par exemple une scène de « home invasion » filmée de façon réaliste et sensorielle sur une musique electro hypnotique. Bonello, dans sa longue séquence d’ouverture, raconte, sans paroles et en musique aussi, la mise en action des différents membres de son groupuscule avant que tout explose. Le résultat produit est à la fois proche de la fascination et du rejet et nourrit l’ambiguïté du projet.
Assaut (John Carpenter, 1976)
Le premier tiers du film plante le décor et place les enjeux : on y voit un gang sanguinaire se livrer à des meurtres gratuits dans un Los Angeles livré à la barbarie. Le reste du film montrera la résistance qui s’organise au sein d’un commissariat pris d’assaut par le gang. Nocturama, lui aussi, est scindé en deux parties distinctes, l’une en extérieur, l’autre en intérieur, le huis clos final tournant également au massacre. Une différence notable : la morale est à peu près sauve dans Assaut, Nocturama s’escrimant de son côté à maintenir l’ambiguïté jusqu’au dernier plan. @chris_narbonne
La bande-annonce de Nocturama
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