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Lorsque le carton pour la projection unique de Hunger Games est arrivé (moins d’une semaine avant sa sortie), je n’avais aucune idée de ce qui se cachait derrière ce titre, mais j’ai quand même décidé d’y jeter un œil. L'avantage d'avancer ainsi en aveugle ? Ca neutralise les préjugés qui risquent souvent d’altérer le jugement. Quand on espère trop, on est souvent déçu. A l’inverse, un a priori hostile peut, au mieux, se retourner en faveur du film, et au pire se transformer en prétexte pour ne pas y aller du tout. C’est donc par pure curiosité que je me suis inscrit à la projection, avec pour seule indication ce que la rumeur décrivait comme une version soft de Battle royale.Pour simplifier, l’histoire mêle SF référentielle (de Metropolis à Running man), mythologie grecque et commentaire social. Dans un futur proche, les fameux 1% , ceux qui détiennent la majorité des richesses, règnent depuis leur capitale ultra moderne sur les 99% restants, lesquels sont astreints aux charges viles (mine, agriculture…) dans 12 ghettos-districts. Pour s’être autrefois révoltés, les pauvres sont punis et doivent envoyer chaque année un couple d’ados par district, soit 24 participants pour une sorte de Koh Lanta télévisé avec des vrais morts et un seul vainqueur. L’héroïne désignée est une tireuse à l’arc si manifestement calquée sur Artemis, la déesse de la chasse, que son triomphe ne fait aucun doute.La direction artistique est criarde à souhait, particulièrement dans le monde des super riches décadents. On peut s’amuser des performances pittoresques de Woody Harrelson ou Stanley Tucci, tandis que Jennifer Lawrence, dans le rôle principal, confirme largement les promesses de Winter’s bone. En fin de compte, derrière le manichéisme simpliste et les inévitables complications sentimentales (un triangle amoureux oblige l’héroïne à choisir son partenaire), le film se laisse regarder. Vraiment ?Après la projection, je me suis renseigné dans le dossier de presse ainsi que dans Première, qui consacrait au film un article dans son numéro de mars. On y apprend que Hunger games est adapté d’une série de livres qui a connu auprès des ados un succès colossal (23 millions de ventes rien qu’aux Etats-Unis). On comprend donc la logique industrielle et opportuniste du projet, qui espère ramasser autant de dividendes que les précédents modèles, Harry Potter et Twilight. La différence avec Twilight est d’ordre idéologique. C’est un mystère pour personne : Twilight véhicule des idées inspirées de la droite religieuse américaine. La série de Stephenie Meyer est truffée de signaux pour l’abstinence sexuelle, depuis la disposition du domicile des vampires (dépourvus de lits parce qu’ils ne couchent pas), jusqu’à la césarienne opérée avec les dents. Sous une apparence cool (les débordements gore), les images délivrent toujours le même message : la femme doit expier et enfanter dans la douleur. Mais si Twilight est l’équivalent cinématographique du heavy metal chrétien, Hunger games pencherait plutôt du côté de Bruce Springsteen pour ados.C’est une saga prolo remplie de bonnes intentions: les opprimés ont de bonnes raisons de se révolter, et à l’occasion, ils partagent leurs réflexions sur des sujets variés, comme l’ambiguité du spectacle télévisé dont ils sont à la fois les victimes et les voyeurs. A ce propos, un personnage note qu’« on n’est pas obligés de regarder», mais cette remarque peut très bien se retourner contre le film.Parce que dans sa volonté de toucher le plus grand nombre, Hunger games fait bien attention à ne déplaire à personne. Contrairement à une vague rumeur, la version qui sort dans le monde entier est formatée pour être visible à partir de 12 ans : il n’y a quasiment pas une goutte de sang, et toute violence est soigneusement gardée hors-champ, alors que les livres sont paraît-il beaucoup plus explicites. De même, le film traite à peine de la faim, qui donne quand même son titre à la série.Et en y réfléchissant bien, les bons sentiments pourraient convenir à n’importe quelle idéologie populiste de droite ou de gauche. Comme le disait le scénariste Paul Haggis (Casino royale et Dans la vallée d’Elah) : « vous pouvez dire tout ce que vous voulez à Hollywood, pourvu que vous rapportiez de l’argent ».>>> Carton plein au box-office pour Hunger Games">>>>> Carton plein au box-office pour Hunger Games