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Le réalisateur de The Immigrant était en pleine forme en conférence de presse cannoise.

"Joaquin aurait adoré venir, mais il est en tournage," prévient d'emblée le réalisateur James Gray. Car à la conférence de presse de  The  Immigrant, Joaquin Phoenix (l'acteur réputé difficile avait déjà planté celle de The Master à Venise 2012) manquait aux côtés de Marion Cotillard et Jeremy Renner. Trois acteurs qui composent un triangle amoureux dramatique parmi les immigrés polonais des bas-fonds du New-York de 1921, The Immigrant à été présenté en compétition pour la Palme au Festival de Cannes. Lors de la conférence, la faconde de Gray a largement éclipsé Cotillard et Renner.

"20 pages de polonais à apprendre"
Après avoir joué une prostituée italienne dans Blood Ties de Guillaume Canet (projeté à Cannes lundi dernier), Marion Cotillard joue ici une fille de joie polonaise. Et elle a dû apprendre la langue. "Le polonais est une langue assez compliquée. Sur mes vingt pages de texte à apprendre, j'ai vu seulement deux mots qui ressemblaient à du français ou de l'anglais", raconte l'actrice. "J'écris un quart de page de dialogues en anglais, et les traducteurs rendent quatre pages en polonais", rigole James Gray. L'objectif était ambitieux : "il fallait que je parle polonais avec l'accent polonais. J'avais aucune idée du résultat final, mais il devait être parfait", analyse Marion. "J'avais une super prof. Et de toutes façons j'avais pas le choix."

"Un visage de cinéma muet"
Le choix de Marion Cotillard était-il si évident ? "En engageant Marion, je n'avais jamais vu La Môme, ni aucun de ses autres films", avoue Gray. "On a dîné ensemble et elle m'a jeté du pain dans la gueule parce que je disais du mal d'un acteur qu'elle aimait bien. Je trouve qu'elle a un visage incroyable, un visage à la Lilian Gish ou Louise Brooks. Un visage de cinéma muet." Depuis The Yards, Joaquin Phoenix est dans tous les Gray : La Nuit nous appartient, Two Lovers, et maitenant The Immigrant. "On ne choisit pas consciemment un acteur fétiche. Avec Joaquin, une fois terminé The Yards, je me suis rendu compte de son immense intelligence, de sa profonde sensibilité. Il vit ces moments de cinéma où les personnages se construisent. Sur The Immigrant, son personnage est tellement sombre que ça le travaillait, il m'appelait pendant la nuit pour se plaindre, "pourquoi tu me fais subir ça, James ?" " Quant à Jeremy Renner, il a été présenté à Gray par Kathryn Bigelow, qui a révélé l'acteur dans Démineurs. "Je ne me souviens absolument plus de notre première rencontre", plaisante Renner. "Tu dis que c'est Kathryn qui nous a présentés ? Ah bon ?" (rires).

"J'aurais pu parler d'un type qui débarque du Mozambique"
Evidemment, l'immigration et les drames qu'elle peut engendrer est le coeur du film. Un sujet sensible sur lequel Gray a visiblement réfléchi. "L'immigration amène du sang frais, c'est ce qui fait que ce pays est riche, industrieux, travailleur. Le mélange a du bon. En 1840, on disait des immigrés italiens qu'ils étaient sales, stupides et paresseux. Au début du vingtième siècle on disait la même chose des Italiens, puis des Juifs... Et aujourd'hui on dit ça des latinos", explique-t-il. "Il faut se libérer du racisme et des préjugés. Pour rappeler ces vérités, il faut parfois prendre du recul, par exemple en faisant un film historique." Oui mais, pourquoi une immigrante polonaise ? Ca ne va pas dans le sens des clichés sur les prostituées venues de l'Est ? "Non. Ma famille vient d'Europe de l'est. Bien sûr, j'aurais pu parler d'un type qui débarque du Mozambique. Mais je voulais faire un film dans les années 20, donc il fallait que je colle à l'époque."

The Immigrant est présenté en sélection officielle du Festival de Cannes 2013, et sortira en France le 27 novembre prochain.