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Richard C. Sarafian est pour beaucoup l'homme d'un seul (grand) film : après avoir fait ses armes sur des séries TV, il signait Point limite Zéro. Le pitch tenait sur un ticket de parcmètre : un livreur de bagnoles sillonnant l'Amérique à bord d'une Dodge Challenger faisait le pari de relier Denver à San Francisco en une quinzaine d'heures, tout en gobant du speed. Un film de bagnole ? Une course poursuite sous psychotrope, emblématique des 70’s ? Pas seulement : Richard Sarafian signait surtout une odyssée de la contre-culture, une fuite vers le passé et l’abstraction : en VO, Point limite zéro s’appelait Vanishing point, « le point de disparition », le moment de dissolution ; celui du personnage principal qui, en rejouant la conquête de l’Ouest (de la côté Est à la Californie), voyait ses souvenirs remonter à la surface et se retrouvait face à l'homme qu'il avait été (pilote de course, puis vétéran du Vietnam et, enfin, flic). Derrière la course donc, un voyage intime et un baroud d’honneur de la rébellion. Échec au box office, le film coulera doucement la carrière prometteuse de Sarafian et il faudra attendre des dizaines d’années avant qu’il ne devienne culte (cité par Tarantino dans Boulevard de la mort et par le groupe Primal Scream qui composera le tube Vanishing Point). Pourtant, Sarafian réussira à signer deux autres films contestataires qui forment comme une trilogie sur l'Amérique 70’s (Le Convoi sauvage et le Fantôme de Cat Dancing). Les fours de ces trois chef d’œuvres hallucinés le conduiront à finir ses jours à la télévision (Dr KildareMaverick…) ou en tournant des films sans ambition (Meurtre pour un homme seul).   Exit ? Pas tout à fait : il y a quelques années, Sarafian refaisait surface en signant un drôle d’OFNI, Masked & Anonymous, une histoire d’inversion d'identité dans laquelle Bob Dylan s’impliqua beaucoup. Tellement qu’on a même pensé que Sarafian avait été le prête-nom du folk singer sur ce film. Dans ce sursaut dylanesque comme dans Vanishing Point ­chef-d'oeuvre gorgé de soul music ­Sarafian n'est jamais meilleur que quand il travaille en musique.