Le réalisateur d’Hérédité, nouveau prodige du cinéma d’horreur, débriefe son génial Midsommar.
Vous avez cité Modern Romance d’Albert Brooks comme la principale influence de Midsommar… Quel rapport entre une comédie de mœurs loufoque des années 80 et un film d’horreur racontant les rituels païens d’une communauté néo-hippie ?
Ari Aster : C’est sans doute exagéré d’appeler ça une influence… Je n’ai pas revu Modern Romance avant de tourner Midsommar. Mais il se trouve que c’est mon break-up movie (film de rupture) préféré, et Midsommar, à mes yeux, est un break-up movie. J’adore Albert Brooks, Modern Romance est vraiment un film parfait, je le regarde à chaque fois que je romps avec quelqu’un… J’aimerais que Midsommar serve à ça, que ce soit le film que les gens vont voir s’ils viennent de vivre une séparation douloureuse. J’aurais pu citer d’autres grands break-up movies, comme Scènes de la vie conjugale, ou ce documentaire génial d’Allan King, A Married Couple, sur un couple en train de se séparer. Ce sont des films que j’avais en tête, sans m’en inspirer directement.
Midsommar est à l’origine une commande, si j’ai bien compris. C’est pour vous l’appropriez que vous l’avez envisagé comme un break-up movie ?
J’ai été approché par une boîte suédoise appelée B-Reel, ils avaient lu le script d’Hérédité, que je n’avais pas encore réalisé à l’époque, et ils m’ont proposé de faire un film de folk horror chez eux, en Suède, dans l’esprit de The Wicker Man. Au début, ça ne m’intéressait pas plus que ça, je n’avais jamais travaillé sur commande, mais j’étais en plein milieu d’une rupture et ça a en effet été ma porte d’entrée, mon angle. Y a-t-il moyen de conjuguer break-up movie et folk-horror movie ? Du coup, oui, c’est devenu très personnel. Il fallait que je fasse ce film ! Le tournage de Midsommar a commencé juste après la sortie d’Hérédité.
Vous voyez Hérédité et Midsommar comme des films jumeaux ?
Hérédité a surtout influencé Midsommar au moment de l’écriture, car je les ai écrit l’un à la suite de l’autre. Je traite dans les deux des mêmes névroses, des mêmes thèmes, le chagrin, le deuil… Il y a sans doute beaucoup de parallèles à faire entre les deux films qui ne m’ont pas encore frappés, parce que j’ai travaillé vite, à l’instinct. Je n’ai quasiment pas fait de break au cours des trois dernières années !
Le challenge d’instiller la peur en plein jour vous excitait particulièrement ?
Pour moi, il s’agit plus d’un sentiment d’effroi que de peur… Quiconque a la moindre de ce qu’est la folk horror sait plus ou moins où l’histoire va. On se doute que tout va déraper, c’est dans l’ADN du genre. Mon ambition était que ce soit aussi beau que possible et on a bâti l’esthétique du film en s’inspirant des films en Technicolor à trois bandes de Powell et Pressburger, comme Le Narcisse noir. On sait où on va, alors autant y aller en empruntant le plus beau chemin possible. Et le plus surprenant émotionnellement.
Vous avez signé deux longs-métrages, qui sont deux films d’horreur. Vous vous considérez comme un réalisateur de film d’horreur, ou comme un réalisateur tout court, qui a commencé sa carrière avec deux films d’horreur ?
Je suis un réalisateur de films de genre. A mes yeux, Hérédité est un film d’horreur et Midsommar est un conte de fées – un conte de fées avec des éléments horrifiques dedans. J’adore l’horreur, mais je ne veux pas faire exclusivement que ça, non.
Vous savez déjà ce que sera votre troisième film ?
Soit une comédie noire absurde, soit un mélodrame domestique.
Pas franchement un film de genre, donc…
Euh… si, quand même ! (Rires) Le mélo, la tragédie, la comédie noire, ce sont des genres à mes yeux ! J’aime l’idée d’explorer des univers très différents. Ce n’est pas vraiment à moi de me catégoriser en tant que réalisateur, d’ailleurs, plutôt aux autres, mais pour l’instant on peut résumer ça comme ça : je suis un réalisateur de genre qui aime explorer des zones obscures aux contours flous.
Dans Midsommar, vous êtes le garçon ou la fille ?
Oh, j’ai mis beaucoup plus de moi-même dans le personnage de la fille. En écrivant et en tournant le film, j’étais elle. Mais dans la vie, j’ai été tour à tour elle et lui.
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