Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVENEMENT
BIENVENUE À MARWEN ★★☆☆☆
De Robert Zemeckis
L’essentiel
Pionnier en la matière, Robert Zemeckis perfectionne la performance capture avec brio sur son nouveau film mais peine à trouver le ton juste.
Pour Bienvenue à Marwen, le réalisateur de Retour vers le futur s’inspire d’une histoire vraie : victime d’une agression, Mark Hongancamp s’est reconstruit grâce à un monde de poupées qu’il a créé de toutes pièces. En 2010, le documentaire Marwencol racontait sa guérison par l’art et cela a inspiré Robert Zemeckis pour une fiction au résultat visuellement bluffant.
Élodie Bardinet
PREMIÈRE A ADORÉ
NEVER-ENDING MAN : HAYAO MIYAZAKI ★★★★☆
De Kaku Arakawa
Comment Hayao Miyakazi est-il sorti de sa retraite de cinéaste ? C'est la question à laquelle ce bref documentaire tourné dans la douleur (la caméra étant quasiment cachée pour ne pas froisser Miyazaki-sensei) tente de répondre, mais il vaut mieux avoir vu avant le magnifique Kingdom of Dreams of Madness. Le joli documentaire de Mami Sunada (sorti en DVD zone 2 en 2013) nous racontait en parallèle le making of du Vent se lève et celui du Conte de la princesse Kaguya d'Isao Takahata, montrain ainsi les coulisses du studio Ghibli avec une poésie et une lucidité inédites. Tourné de 2013 à 2018, Never-Ending Man, beaucoup plus sec et dépouillé, s'envisage comme sa suite directe et un nouveau chapitre abrasif de la saga Ghibli : Miyazaki, confronté au tournage de son premier film animé par ordinateur (le court-métrage Boro la petite chenille), enrage contre ceux qui maîtrisent les nouvelles technologies, incapables à ses yeux de comprendre qu'il faut saisir le sens profond des choses pour mieux les représenter avec vérité. Ça nous donne des bons moments de tyrannie miyazakienne (où le cinéaste est dépeint comme un vampire qui se nourrit de la vitalité des jeunes artistes sous ses ordres pour mieux créer, et qui préfère lancer un nouveau projet quitte à mourir pendant la production) et de bonnes anecdotes (l'équipe de Ghibli qui sèche en masse le boulot pour aller voir Le Réveil de la Force). Un beau morceau d'histoire, donc, qui arrive à temps pour nous faire patienter jusqu'à la sortie du nouveau Miyazaki, censé sortir en 2019. Si tout va bien.
Sylvestre Picard
PREMIÈRE A AIMÉ
UN BEAU VOYOU ★★★☆☆
De Lucas Bernard
On avait quitté Swann Arlaud à la campagne avec ce Petit Paysan qui lui a valu un César. On le retrouve ici avec un autre premier long mais dans un territoire plus urbain, celui des toits parisiens où son personnage de voleur de tableaux aime à déambuler. Un petit voyou atypique qu’un flic peu pressé de prendre sa retraite va prendre en filature. Pas tant pour essayer de l’arrêter que pour profiter un peu de sa liberté. Car ce premier film ne se perd pas en psychologie de comptoir. En choisissant pour antihéros un personnage affranchi de toute obligation morale, Lucas Bernard entraîne son récit dans des méandres inattendus. Un régal à jouer pour ses comédiens très à l’aise dans cet espace de liberté : Swann Arlaud donc, Charles Berling et la trop rare Jennifer Decker, mi-bonbon acidulé mi-grenade dégoupillée. Un trio qui joue de concert une partition vivifiante.
Thierry Chèze
ASAKO I & II ★★★☆☆
De Ryûsuke Hamaguchi
L’année dernière, le film Senses (et sa durée XXL, plus de 5h !) avait été un choc et le nom du Japonais Ryûsuke Hamaguchi s’est vite retrouvé sur toutes les lèvres. La présence de cet Asako I & II, en compétition à Cannes, est venue valider la reconnaissance de ce disciple de Kiyoshi Kurosawa. Comme chez son aîné, le fantastique vient contaminer un réel et perturber la vie d’êtres à fleur de peau. Ici, une jeune fille voit son amant disparaître du jour au lendemain avant de revenir sous une autre identité, à moins qu’il ne s’agisse d’un sosie. Le scénario ne fait pas de cette étrange ressemblance un suspense censé démasquer un éventuel usurpateur, mais va ausculter les mystères de l’amour et du hasard. La mise en scène aussi gracile que précise donne à ce drame amoureux des allures de rêve éveillé. Il est temps d’ouvrir tous ses sens.
Thomas Baurez
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
UNDERCOVER – UNE HISTOIRE VRAIE ★★☆☆☆
De Yann Demange
C’est une de ces histoires vraies prisées par le cinéma américain. Le destin de Rick Wershe, un ado trafiquant de drogue, entré dans l’histoire à 14 ans en devenant le plus jeune informateur du FBI. Un destin hors du commun qui contraste avec le manque d’aspérité de ce film, proprement réalisé, pas désagréable à regarder, mais auquel il manque le souffle qu’avait su insuffler Yann Demange à son formidable ‘71. Certes, il paraît qu’un film, c’est d’abord une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire. Mais Undercover prouve encore que ça ne suffit pas toujours malgré la justesse de l’interprétation du débutant Richie Merritt dans le rôle central qui fait de l’ombre à Matthew McConaughey, semblant bégayer dans un de ces rôles de composition qu’il a tendance à enchaîner et jouer en pilote automatique depuis Killer Joe.
Thierry Chèze
QUI A TUÉ LADY WINSLEY ? ★★☆☆☆
De Hiner Saleem
De deux choses l’une. Soit vous n’avez jamais vu de film de Hiner Saleem et il y a de grandes chances que vous savouriez pleinement cette enquête policière teintée d’humour, où un inspecteur débarque sur une petite île turque pour dénicher l’assassin d’une romancière américaine. Soit vous êtes familier de son cinéma et vous aurez alors une impression de déjà-vu. Car Saleem déploie dans cet univers à la Agatha Christie exactement le melting-pot qui faisait le sel de son western My Sweet Pepper Land. Des personnages hauts en couleur sans le pittoresque. Un sens indéniable de l’absurde. Et un questionnement sur la place de la femme dans des sociétés où elle est souvent réduite à la portion congrue et, plus précisément ici, une réflexion sur la femme adultère. Ce bégaiement gâche un peu le plaisir sans l’effacer totalement.
Thierry Chèze
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
PREMIÈRES VACANCES ★☆☆☆☆
De Patrick Cassir
Voilà une comédie qui démarre tambour battant. La rencontre via Tinder du couple au cœur de cette intrigue (deux trentenaires parisiens qu’a priori tout oppose) est un modèle d’efficacité qui n’a rien à envier aux sommets anglo-saxons du genre. Mais c’est après ce prologue que les choses se gâtent, les deux tourtereaux décidant, contre l’avis de tous leurs proches, de partir en vacances ensemble pile à mi-chemin de leurs destinations rêvées : en Bulgarie. Car Patrick Cassir se met alors en tête de jouer avec les clichés, tant autour du bobo parisien que du Bulgare moyen forcément exotique aux yeux du Français en goguette. Ce petit jeu se retourne contre lui, les gags deviennent grossiers, le comique de situation pédale dans la semoule et l’efficacité de ses premières minutes n’est plus qu’un lointain souvenir.
Thierry Chèze
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